C’est quoi, un champ électromagnétique ?
Les particules électriques en mouvement génèrent des champs (ou ondes) électriques et magnétiques. Tout dispositif ou appareil électrique ou électronique est donc une source de champs électromagnétique dès qu’il est en fonctionnement. L’intensité d’un champ magnétique s’exprime en Tesla ou en Gauss ( le Tesla et le Gauss, sont des unités nommées en l’honneur des physiciens Carl Friedrich Gauss et Nikola Tesla).
Ces champs se propagent dans l’air à la vitesse de la lumière. S’il était possible de les voir ” au ralenti “, ils ressembleraient aux ronds faits par un objet (leur source) jeté dans l’eau (leur milieu de propagation). Grosso modo, les écarts entre les « ronds » déterminent la fréquence des champs et la hauteur des « ronds » leur puissance.
Celle-ci décroît rapidement, selon l’inverse du carré de la distance à la source : à deux mètres, elle est quatre fois inférieure à celle existant à un mètre. Pour s’en faire une idée, il suffit de penser à la chaleur dispensée par une plaque de cuisson électrique : les mains la perçoivent très bien quand elles sont placées très près et peuvent même s’y brûler ; mais cette perception diminue rapidement avec la distance.
Plus la fréquence des champs est basse, moins l’énergie véhiculée est importante.
Qu’ils soient d’origine naturelle ou artificielle, les champs électromagnétiques sont omniprésents dans notre quotidien. Avec l’apparition de nouvelles technologies telles que la téléphonie mobile, les études concernant leur impact sur l’environnement et notre santé suscitent un intérêt et des débats grandissants au sein du public.
NOTION DE CHAMP
La notion de champ est utilisée en physique pour traduire l’influence que peut exercer, à distance, un objet sur son environnement. Un champ caractérise une propriété particulière de l’objet. Réciproquement, les autres objets présents dans l’environnement ne sont sensibles au champ que s’ils présentent eux mêmes cette propriété. Par exemple, notre planète la Terre, génère un champ de pesanteur. Ce champ est généré par la masse de la planète et réciproquement, il exerce son effet sur les objets massifs.
LE CHAMP ÉLECTRIQUE
Le champ électrique caractérise l’influence qu’une charge électrique peut exercer sur une autre charge. Plus la charge électrique est importante, plus le champ est fort et plus on s’en éloigne, plus l’influence – et donc le champ également – est faible. La tension électrique (unité : le volt – symbole : V) traduit l’accumulation de charges électriques. Le champ électrique est donc lié à la tension et traduit son influence à distance de la source, d’où son unité de mesure : le volt par mètre (symbole : V/m).
LE CHAMP MAGNÉTIQUE
Le champ magnétique caractérise l’influence d’une charge électrique en mouvement, et réciproquement exerce son action également sur les charges en mouvement. Une charge électrique en mouvement est un courant électrique dont l’unité est l’ampère (symbole : A). Le champ magnétique est donc lié au courant et traduit son influence à distance de la source, d’où son unité de mesure : l’ampère par mètre (symbole : A/m).
Cependant dans l’usage courant, on utilise l’unité de mesure du flux d’induction magnétique, à savoir le tesla (symbole : T), et surtout sa sous-unité, le microtesla (symbole : µT), qui vaut un millionième de tesla. Dans la plupart des milieux, notamment dans l’air, on aura l’équivalence : 1 A/m = 1,25 µT.
L’ÉLECTROMAGNÉTISME
Le champ électrique et le champ magnétique étant tous deux liés à la charge électrique, ils interagissent entre eux. Ainsi des charges électriques créent un champ électrique qui exerce une force sur d’autres charges électriques présentes dans l’environnement. Celles-ci se mettent en mouvement, constituant ainsi un courant qui crée un champ magnétique susceptible à sont tour d’agir sur d’autres courants, etc. Cet enchevêtrement d’actions et de réactions, de charges et de courants, de champs électriques et magnétiques constitue l’essence de l’électromagnétisme. Cet ensemble, apparemment complexe, est néanmoins parfaitement connu depuis près de 150 ans. En 1864, le physicien écossais James Clerck Maxwell l’a décrit et en a découvert la formulation mathématique. On parle même des célèbres « équations de Maxwell » qui sont la base mathématique de toutes les applications modernes de l’électricité.
QU’EST-CE QU’UNE FRÉQUENCE ?
Quand les champs sont variables au cours du temps, cette variation est caractérisée par le nombre de cycles par seconde, on parle aussi d’oscillations par seconde : il s’agit de la fréquence. On l’exprime en hertz (symbole : Hz) ou en multiples de hertz. Comme pour les distances (par un exemple, un kilomètre vaut 1 000 mètres), un facteur 1 000 sépare chaque multiple : 1 kHz (kilohertz) vaut 1 000 Hz, 1 MHz (mégahertz) vaut 1 000 kHz et ainsi de suite. On parle ainsi de gigahertz, GHz, terahertz, THz, etc.
CHAMP ÉLECTRIQUE, CHAMP MAGNÉTIQUE, CHAMP ÉLECTROMAGNÉTIQUE
L’interaction entre champ électrique et champ magnétique est d’autant plus forte que leur fréquence est élevée. Concrètement, on parlera donc de champ électromagnétique pour les fréquences élevées, telles que celles utilisées dans les télécommunications. Réciproquement dans le domaine des basses fréquences et tout particulièrement celui des extrêmement basses fréquences (de 0 à 300 Hz) l’interaction entre les deux champs est très faible et les champs électriques et magnétiques sont donc indépendants.
Ainsi, par exemple, dès qu’une lampe de bureau est branchée à la prise 220 V, elle est sous tension et elle crée donc un champ électrique autour d’elle. Dès qu’on l’allume, un courant la traverse et elle émet alors également un champ magnétique. Ces champs électriques et magnétiques sont de même fréquence que la tension et le courant qui les créent, à savoir le 50 Hz (ou 60 Hz en Amérique du Nord).
Les champs électriques et magnétiques décroissent rapidement quand on s’éloigne de la source de champ. Dans le domaine des extrêmement basses fréquences, le champ électrique est facilement arrêté par la plupart des matériaux, même faiblement conducteurs, mais à l’inverse, la plupart des matériaux sont transparents vis à vis du champ magnétique.
UN PHÉNOMÈNE MAÎTRISÉ PAR L’HOMME
Depuis qu’il les a découverts et qu’il est en mesure de les expliquer d’un point de vue scientifique, l’homme a appris à maîtriser la création et la détection de champs électromagnétiques. Il est même en mesure de les moduler, c’est-à-dire de jouer sur leur amplitude ou leur fréquence, pour leur faire porter des informations. Dans ce cas, ce sont essentiellement les champs hautes fréquences qui sont mis à contribution. La radio, la télévision, la téléphonie mobile, le Wi-Fi et d’une manière générale tous les systèmes de télécommunication sont des applications de ce principe.
Il n’y a pas en théorie de limite haute à la fréquence d’un champ électromagnétique. Néanmoins on limite habituellement le domaine des champs électromagnétiques à la gamme de fréquences allant de 0 à 300 GHz. Au delà de cette gamme, on trouve les rayonnements lumineux : d’abord les infrarouges, puis la lumière visible, puis les ultraviolets. Enfin, encore plus haut en fréquence, on atteint le domaine des rayonnements ionisants, tels que les rayons X ou gamma.
Le spectre électromagnétique (cliquez sur l’image pour voir en taille HD)
Le domaine des ondes électromagnétiques est continuellement l’objet de conflits où s’opposent des données matérielles, résultant des réelles acquisitions de la physique, et des conceptions évoquant la radio-électricité, mais non validées, qui relèvent soit de pseudosciences ancrées quelquefois solidement dans les esprits, soit de doctrines étroitement associées à leur créateur, comme Anton Mesmer, Alfred Bovis, ou Yves Rocard. C’est pourquoi depuis déjà des siècles, et sans doute pour encore longtemps, la physique de l’électromagnétisme est le terrain de l’affrontement d’une vision scientifique et d’une vision ésotérique du monde, ou, en le disant autrement, de l’affrontement entre la matière et l’esprit (ou les esprits). Vis-à-vis du monde vivant et des sciences médicales, l’affrontement se prolonge entre les acquis de la biologie moderne qui, en cohérence avec la physique et la chimie, relèvent d’une interprétation matérialiste validée par l’expérience et les prétentions des théories vitalistes qui n’existent que dans la tête de leur créateur et de ceux qu’ils sont parvenus à convaincre.
Au centre de pratiquement toutes les démarches ésotériques on trouve en effet les concepts d’« ondes » et de « magnétisme », entités dans lesquelles le physicien ne reconnaît pas les phénomènes qui, dans sa discipline, portent le même nom. De ce fait, l’interprétation qui est faite des phénomènes physiques ou biologiques par les tenants des doctrines ésotériques ne peut être acceptée par les physiciens et les biologistes, ce qui est une source permanente de désaccord. Mais un tel terrain de mésentente est aussi particulièrement fertile au développement de véritables escroqueries intellectuelles, dont une, la géobiologie, a déjà fait l’objet d’un article dans Science et pseudo-sciences.
Mesure des champs électromagnétiques
Le terme « détecteur EMF » (ElectroMagnetic Field, champ électromagnétique) est généralement utilisé pour désigner des détecteurs de champ magnétique. Egalement appelés magnétomètres, teslamètres ou gaussmètres (du nom des unités de mesure du champ magnétique), ces instruments permettent de mesurer l’intensité du champ électromagnétique dans une gamme de fréquence limitée. Ceux qui sont vendus dans le commerce sont généralement conçus pour mesurer les champs de 50 ou 60 Hz, fréquence du courant alternatif utilisé en Europe et en Amérique du Nord, et servent à localiser les fils et appareils électriques.
De manière générale, la vente de détecteur de champ électromagnétique comme instrument de détection de phénomènes paranormaux semble constituer un abus du manque de connaissance scientifique du public visé.
Pas de pseudo-science sans ondes !
Les ondes sont une nécessité pratiquement absolue pour expliquer les croyances les plus farfelues. Généralement, les pseudosciences couvrent des mécanismes imaginaires permettant d’expliquer qu’une action donnée produira un effet (les termes « action » et « effet » ne désignent pas obligatoirement des faits réels !). Comment expliquer, par exemple que d’imposer les mains sur une région corporelle aurait un effet bénéfique sur une maladie intercurrente ? Ce sont « forcément » des ondes et celles-ci sont magnétiques puisqu’elles viennent de la main. [« Manier », « magnétique » sont souvent rapportés à la même étymologie]. Comment expliquer que la personnalité d’un bébé qui vient au monde serait déterminée par la position des astres au moment de sa naissance ? Il y a « forcément » des ondes puisqu’il n’y a pas de lien matériel entre les planètes et ce nouveau-né. On pourrait ainsi évoquer à l’infini toutes les prétentions ésotériques pour trouver finalement que le recours à ce lien miraculeux que sont les ondes est systématique. Dans leur enquête (1982) sur les parasciences, Boy et Michelat soulignaient qu’en tête des croyances au paranormal on trouve « les phénomènes qui supposent des effets de magnétisme (baguette de coudrier, pendule, magnétisme personnel) ». Dans certaines pseudosciences, le cerveau humain est considéré comme la source d’ondes, ce qui justifierait la croyance en la transmission de pensée entre personnes éloignées éventuellement de milliers de kilomètres. Une modalité dérivée est la projection mentale qui est associée au rite du radiesthésiste, et lui permettrait d’opérer sur une photo, une mèche de cheveux, une carte IGN, etc.
Avec les ondes, tout vibre
L’omniprésence et l’omnipotence des ondes trouvent une explication imparable : « dans l’univers tout vibre », et en particulier en biologie, les êtres vivants (y compris les humains), sont animés de telles vibrations. Le contester est périlleux, car il existe effectivement des phénomènes biologiques électriques et magnétiques qui se traduisent par des potentiels de forme oscillante. Cependant ces derniers sont tous susceptibles d’être enregistrés, mesurés, caractérisés en termes de nature (électrique ou magnétique), de fréquence, d’amplitude et de donner lieu à des applications, par exemple au diagnostic médical. La vision ésotérique est notablement différente. Ainsi, l’homme serait entouré d’un « biochamp » qui « forme autour du corps une série de couches successives qui s’emboîtent les unes dans les autres à la manière de poupées russes… ». Le « biochamp » serait capable d’entrer en contact « par résonance avec de très nombreux signaux traversant son espace d’appréhension et de captage… » (sic). Le « biochamp se dilate dans un milieu propice à la vie et se contracte sous l’influence de pollutions […]. La contraction-dilatation […] permet de mesurer la nocivité ou la positivité des influences extérieures telles que celles exercées par le réseau électrique, les sources électromagnétiques, l’influence tellurique, les ondes de forme ». Quand on croit à cela sans analyse critique, on est mûr pour croire aussi à tout ce qui peut être déversé comme information sur les bénéfices, comme sur les maléfices, des authentiques ondes électromagnétiques. « Mélangez le faux avec le vrai, il y aura toujours un bénéfice à en tirer », tel pourrait être le premier commandement de la tromperie !
Au cœur de la conception selon laquelle des (vrais) champs électromagnétiques interagissent avec la matière vivante, se trouve la notion parfaitement valide de la résonance. Elle a d’ailleurs été à l’origine d’hypothèses de travail pour plusieurs équipes de biologistes, conduisant à ce qui a été longtemps un objet de débat, le mécanisme physique connu sous le nom de « résonance – cyclotron ». Selon ce mécanisme, la combinaison d’un champ continu (le champ magnétique terrestre) et d’un champ électrique et magnétique de basse fréquence imposerait aux ions actifs biologiquement un trajet spiralé qui les conduirait à franchir les canaux ioniques de la membrane cellulaire. Dans les théories « vitalistes », qui doivent beaucoup à Georges Lakhovsky, la cible est la cellule qui est le résonateur de base et, à l’intérieur de la cellule, le contenu nucléaire, d’où l’assertion que « les ondes font vibrer l’ADN ». Après cela comment ne pas croire que les tous les champs donnent le cancer !
Un dogme intouchable : le signal du sourcier
Aucune étude n’a précisément chiffré la croyance au « pouvoir du sourcier », c’est à dire la capacité à trouver une source avec une baguette de coudrier grâce au signal magnétique produit par l’eau souterraine. Il est probable que cette croyance soit encore plus répandue en milieu rural, où une majorité des gens croient à cela et sont capables de soutenir leur point de vue avec une grande virulence, comme si toucher à cela était de l’ordre du blasphème : « C’est Rocard qui l’a dit ».
L’impact des travaux du père de la bombe nucléaire française, que sa position de physicien éminent mettrait à l’abri de toute critique, est considérable. Le « signal du sourcier » tel qu’Yves Rocard l’a imaginé a une valeur de 10 « gammas », le gamma étant une unité pragmatique, non officielle, égale à 0,01 milligauss. En unités officielles le signal du sourcier serait donc de l’ordre de 10-8 T. Pour Yves Rocard, l’homme serait capable de détecter des champs magnétiques aussi faibles.
En réalité, les expériences décrites par Yves Rocard ont été souvent refaites, en particulier par les étudiants du zététicien Henri Broch dans le cadre de l’enseignement qu’il donne à l’université de Nice Sophia Antipolis… dans le but d’illustrer les erreurs méthodologiques. Ces expériences, refaites un grand nombre de fois en appliquant un protocole de double insu, n’ont pas abouti à confirmer la magnétosensibilité de l’homme.
Par ailleurs, la mesure directe de faibles valeurs de champs magnétiques, qui plus est dans les conditions du terrain, n’était pas réalisable il y a 40 à 50 ans. Il existe maintenant, cependant, des possibilités techniques permettant d’accéder aux domaines de l’infiniment petit magnétique. Le seuil de détection des magnétomètres de la technologie SQUID est de 1 femtoTesla (= 10-15 T). Ces dispositifs peuvent détecter les champs magnétiques résultant des phénomènes électrophysiologiques (champ magnétique cardiaque : 50 000 fT, champ magnétique cérébral quelques fT). Le présumé signal du sourcier est donc de 10 millions de fois plus grand que l’infiniment petit détectable actuellement. Les sourciers peuvent donc largement vérifier leurs prétentions !
Le pouvoir des ondes
Quelle est la nature des ondes supposées qui sous-tendent les sciences ésotériques ? Certains les qualifient, sans autre analyse, de « magnétiques », d’autres leurs donnent d’autres noms (« éthérique » se pratique beaucoup) sans doute pour ne pas encourir la critique immédiate que « le magnétisme c’est autre chose ». Malgré tout, très rapidement les discours reviennent vite à la confusion.
Il faut bien, cependant, étayer les prétentions sur quelque chose de tangible, et dans ce sens, une des explications les plus fertiles (car à elle seule elle soutient la radiesthésie, la géobiologie, la radionique, etc.) tient dans les « ondes de forme ». Ces ondes imaginaires trouvent leurs origines au 19e siècle, mais ont été érigées à l’état de « prêt à penser » par plusieurs radiesthésistes français. Léon Chauméry et André de Bélizal, ont formalisé des faits, donné des interprétations, et conçu des matériels adaptés, tel un Pendule Universel. Les ondes de forme ont reçu un soutien notable de l’exploitation ésotérique de l’archéologie égyptienne et des « mystères » qui ont entouré l’exploration des pyramides. Un touriste français, Alfred Bovis qui avait visité celle de Chéops, a imaginé qu’en reconstruisant une maquette de pyramide, en respectant les proportions et l’orientation, on pouvait bénéficier des propriétés magiques de cette forme : on pourrait placer un bifteck à l’intérieur et celui-ci se conserverait sans altération et finirait pas se momifier. On ne comprend pas pourquoi les fabricants de réfrigérateurs s’obstinent à nous faire dépenser du courant électrique avec des matériels parallélépipédiques parfaitement inesthétiques, alors que les pyramides ne consomment pas d’énergie et seraient bien plus décoratives dans nos appartements ! Un tchécoslovaque, Karel Drbal, a déposé en 1959 un brevet pour un appareil permettant d’aiguiser les lames de rasoir. Placée à l’intérieur de la maquette d’une pyramide, la lame usagée, à condition qu’elle soit tournée dans le bon sens, retrouverait le tranchant qu’elle avait quand elle était neuve !
Pour qui croit que ces pseudo-ondes sont capables de faire cela, il n’y a pas d’obstacle à accepter que certaines soient nocives, et que d’autres puissent être bénéfiques !
Les ondes nocives
Il ne fait aucun doute que, pour une partie importante de la population, les ondes électromagnétiques sont maléfiques. L’environnement est rempli d’ondes de toutes sortes : celles créées par l’homme, mais aussi celles qui proviennent de la nature.
Il existerait un environnement cosmo-tellurique qui procèderait de l’association des rayons cosmiques et des courants telluriques. Cette base ne peut être contredite scientifiquement, car les rayons cosmiques existent, et il existe aussi des courants qui circulent dans la terre. En revanche, il n’est pas possible d’accepter la suite, car tout ce qui est imputé aux phénomènes cosmo-telluriques est parfaitement surréaliste et n’a jamais été vérifié par les physiciens. En effet, les supporters des pseudosciences ont arrangé à leur façon la description de cet « environnement cosmo-tellurique », qu’ils décrivent concrètement par les réseaux et d’autres manifestations sournoises.
Selon les géobiologues, il existe plusieurs systèmes de réseaux (au moins 7) qui quadrillent la surface de la terre. Ils ont une orientation nord-sud ou diagonale dans ce premier quadrillage, et dessinent des mailles de 1 à 10 mètres de côté. Les réseaux portent les noms de leurs « inventeurs », Hartmann, Palm, Curry, Romani, Peyré, Wissmann, et le « réseau double ». Les réseaux fictifs se coupent et s’entrecoupent, créant des points d’intersection, dont certains seraient dangereux : le croisement des mailles dans le réseau diagonal et dans le réseau global donne des « points actifs » qui pourraient s’avérer pathogènes. La superposition du croisement de deux réseaux diagonal et global engendrerait des « points étoiles » particulièrement géopathogènes.
Certes, les réseaux sont un des aspects les plus étonnants de la géobiologie, car n’ayant jamais été mis en évidence, ils témoignent d’une imagination fertile !
Mais la géobiologie a d’autres éléments explicatifs de la santé ou de ses perturbations : les courants d’eau souterrains, les nappes, les masses rocheuses souterraines, les failles qui sont des accidents souterrains particulièrement nocifs, car l’eau en s’engouffrant par le passage qu’elles offrent vers les couches inférieures crée des ondes maléfiques de la plus mauvaise espèce. De plus ces failles seraient souvent la cause de perturbations du magnétisme terrestre (quelle que soit la nature du sol) et si le magnétisme terrestre n’est pas mauvais en soi (il est naturel), ce qui est dangereux c’est lorsqu’il a été perturbé. De là découle toute une activité d’investigation ésotérique et lucrative (les deux ne sont pas incompatibles, au contraire !) de mise en évidence de ces failles par des baguettes, pendules, antennes, dispositifs électroniques les plus divers : il suffit d’aller sur Internet pour trouver les catalogues de maisons spécialisées ou pour lire que ceux fabriqués par les « savants de l’ex-URSS » sont les plus performants (car c’est bien connu, ils avaient de l’avance sur nous !).
Les failles sont certes redoutables, mais il y a encore pire : les cheminées cosmo-telluriques. Elles relient les deux grandes composantes de l’environnement car elles peuvent plonger jusqu’à 120 mètres dans la terre et monter jusqu’à 120 mètres de haut. Elles respirent, c’est-à-dire que l’énergie circule dans les deux sens. Il s’en trouverait de positives (que l’on trouve dans les lieux de méditation, les églises,…) et des négatives (sur les champs de bataille). Tout s’explique ! Enfin des « entités » particulières sont les vortex, sortes de tourbillons en forme de spirale, connectés entre eux par un lien. Les vortex sont essentiellement des dispositifs d’échange de l’énergie cosmique entre deux lieux distants. Du point de vue physique, le rayonnement cosmique se mesure. Pourquoi ceux qui font commerce d’exploiter la crédulité et la crainte inspirée par ces ondes ne le mesurent-ils pas ? Il est tellement plus profitable de proclamer que « les vortex font travailler les personnes sur les chakras du haut et augmenter le biochamp, alors que le courant tellurique fait travailler les chakras du bas » (sic).
Éviter les ondes nocives, exploiter les ondes qui guérissent
Il est bien facile de comprendre que pour les gens qui croient à toutes les balivernes proclamées par les professionnels du paranormal, il y a de quoi être inquiet, voire réellement stressé, et que les difficultés de la vie, les maladies humaines et celles des animaux, conduisent tôt ou tard à des interprétations ésotériques.
La géobiologie commence par faire un diagnostic de l’environnement, car officiellement, elle ne fait pas de médecine et ne s’occupe que de l’habitat. À la différence des médecines parallèles qui s’adressent au patient et peuvent encourir des critiques ou des actions au titre de l’exercice illégal de la médecine, la géobiologie ne s’intéresse pas directement au patient, même si c’est bien lui qui est le destinataire final de son action. Cette apparente astuce devrait cependant être regardée avec plus de sévérité, dès lors que cela peut conduire, comme beaucoup de pratiques douteuses, à des défauts de soins.
Le « diagnostic de l’environnement » (sic) est fait généralement avec les matériels déjà évoqués plus haut (pendules, antennes, etc.), mais tout ceci présente le grave inconvénient que le géobiologue doit se rendre sur les lieux, d’où du temps passé en déplacement, et donc finalement perdu. En application du grand principe de projection mentale, comme le radiesthésiste « travaille » dans son bureau sur une mèche de cheveux, une photo ou une carte d’état major, le géobiologue peut aussi le faire de chez lui, à l’aide d’une carte IGN.
Les solutions mises en œuvre pour restaurer la santé de l’environnement comportent des mesures d’évitement des points géopathogènes ou des facteurs qui les déterminent, et l’usage de divers systèmes magiques (antennes, triangles, coquille de pétoncle rappelant la coquille St Jacques). Un de ces dispositifs en vente sur le net est l’« Aspironde-Mermet NCE », « neutralisateur de courant électrique pour circuits intérieurs à l’habitat et télévision ». Constitué d’un triangle équilatéral en zinc de 120 mm de côté qui pivote sur un socle en bois gradué en 400 grades… dont le point 200 doit être préalablement orienté au nord magnétique. Des triangles de cuivre protégés par une coque de matière plastique et disposés sur des « sources » telles que des poteaux électriques sont utilisés dans la lutte contre les ondes nocives perturbant les élevages. Puisque ces triangles sont censés empêcher la propagation des ondes électromagnétiques, on se demande comment dans la zone où ils sont placés les gens peuvent encore téléphoner, écouter la radio ou regarder télévision !
Aurait-on perdu la raison ?
Le paranormal ne s’est jamais aussi bien porté que maintenant. La question de son impact dans la population avait été posée de manière très sérieuse en 1982, par le travail d’enquête de Boy et Michelat, qui avait clairement montré le taux élevé de certaines croyances, et l’existence de relations entre l’âge ou le milieu social et la croyance dans certains faits paranormaux. Les moyens développés pour enseigner les disciplines scientifiques, à tous les niveaux de l’éducation, semblent malheureusement n’avoir eu qu’une piètre efficacité. L’enseignement dispensé, qui a permis aux élèves de faire des exercices, de rendre des copies et de passer des examens, n’a eu aucun impact formateur de l’esprit pour aiguiser le sens critique indispensable à la conduite de leur vie. Ce qui a été dispensé n’a été pris que comme des « informations », que l’on peut connaître, traiter, accepter ou rejeter, sans forcément adhérer aux concepts qui les sous-tendent. La confusion entre formation et information est préjudiciable. Quand on ne comprend pas, surtout dans le domaine biomédical, on se réfugie dans les explications « spiritualistes », et il n’y a qu’un pas de la spiritualité au spiritisme.
En allant au-delà des discours des intervenants de terrain qui n’ont qu’un objectif de lucre à travers l’exploitation du fond de commerce que leur donne l’affichage du paranormal, on trouve de véritables maîtres à penser, non moins désintéressés sans doute, mais qui poursuivent d’autres buts. Il existe une association quasi systématique entre les doctrines des sectes (les vraies), la négation des acquis de la médecine moderne, l’opposition aux vaccinations, et la proclamation d’interdits alimentaires de toutes sortes. Les prescriptions d’ordre alimentaire étaient déjà un point commun à la plupart des religions. Le jeûne a beaucoup de propriétés, dont celle d’amoindrir les résistances. Les spécifications sectaires reposent sur l’usage du paranormal, donc généralement des ondes, et ajoutent des conceptions particulières sur la vie, par exemple sur l’éducation des enfants, qui peuvent d’ailleurs conduire à d’autres déviances.
Pour éviter les « bourrages de crâne », il faut faire preuve d’esprit critique quand on voit utiliser les termes d’ « ondes », de « magnétisme », dans une argumentation qui n’a rien à voir avec les enseignements d’Œrstedt, d’Ampère, de Lorenz et de Maxwell. La première question qu’il faut se poser est alors « qu’est-ce qu’on veut me faire gober ? », et « qu’est-ce que cela cache ? ». Car si dans le paranormal, il suffit « d’y croire », la première mesure d’hygiène mentale, en science, reste de douter de tout.