Les ondes gravitationnelles, de quoi s’agit-il ?

L’Univers a voulu fêter le centenaire de la découverte de la théorie de la relativité générale par Albert Einstein (novembre 1915). Cette toute nouvelle découverte sera certainement LA nouvelle scientifique de l’année 2016, aussi importante que celle du Boson de Higgs quatre ans plus tôt.

Albert_Einstein_Head

Depuis quelques jours on ne cesse de parler dans les médias de la confirmation d’une prédiction d’Einstein concernant l’existence d’ondes gravitationnelles et vous êtes nombreux à me questionner sur ce sujet. Je vais tenter en quelques mots simples de vous en expliquer la teneur.

Nous avons détecté des ondes gravitationnelles“, a annoncé jeudi 11 février David Reitze, directeur du LIGO (Observatoire américain des ondes gravitationnelles)(photo ci-dessous).

160210_rl997_ligo-observatoire_sn635

Une conférence de presse diffusée aux quatre coins de la planète dont Albert Einstein aurait rêvé. Les ondes gravitationnelles, c’est lui qui les avait prédites. Cent ans après, d’autres ont réussi à les observer. “C’est la première fois que l’univers nous parle à travers ses ondes gravitationnelles. Jusqu’ici, nous étions comme sourds. Désormais, nous sommes capables de les entendre“, a déclaré David Reitze.

Si l’univers était un lac, ses ondes gravitationnelles seraient ces ondes concentriques qui apparaissent à la surface de l’eau après la chute d’un caillou. À une échelle bien plus grande, les ondes gravitationnelles font osciller l’espace-temps. Mais pour cela, le caillou doit être très gros.

La force gravitationnelle ou gravitation :

C’est Isaac Newton qui le premier a défini l’intensité de la force de gravité qui relie deux objets de masses m1 et m2 distants de r (figure ci-dessous).

Afficher l'image d'origine

On constate que cette force est directement proportionnelle à la masse des objets et inversement proportionnelle au carré de la distance séparant ces objets. la valeur G étant la constante gravitationnelle qui vaut sur terre 9,81 N.m².Kg-² .

La particularité de cette force est que, selon Newton, elle se transmet de manière instantanée. Si en effet un des deux objets disparaît brutalement, alors la force devient instantanément nulle. On peut donc dire que selon Newton l’information qui caractérise la force de gravité se transmets de façon immédiate à l’autre masse. C’est un concept un peu étrange avouons-le, rien de ce qui nous entoure n’est instantané, ni l’information qui circule, ni même la lumière qui se déplace en respectant une vitesse limite. Néanmoins, mis à part cette bizarrerie conceptuelle, la formule de Newton est parfaitement utilisée encore aujourd’hui pour calculer les trajectoires des planètes, des boulets de canon et d’autres projectiles terrestres.

Les forces électrostatiques et électromagnétiques :

Il existe une autre force qui se comporte un peu de la même manière. C’est la force électrostatique qui s’exerce entre deux particules chargées électriquement. Cette force a été mise en évidence par  Charles-Augustin Coulomb qui l’a énoncée en 1785. (figure ci-dessous):

Capture

Vous pouvez constater qu’elle ressemble étonnamment à la loi de Newton, en effet, au lieu d’avoir des masses, on a des charges électriques. Elle permet de comprendre les relations qui peuvent exister entre des particules chargées. La loi de Coulomb avait le même défaut conceptuel que la loi de Newton. Elle a ensuite été remplacée par une autre plus précise et plus riche qui est l’électromagnétisme encore appelée force de Lorentz et définie par un ensemble de lois mathématiques complexes :

Capture

Dans l’électromagnétisme, on prend en compte le fait que l’information met un certain temps à voyager, notamment sous la forme d’ondes électromagnétiques (figure ci-dessous) qui voyagent à la vitesse de la lumière:

onde-electromag

On aurait pu penser qu’un physicien aurait trouvé lui aussi une loi de “remplacement” de la loi de Newton, tenant compte cette fois du cheminement de l’information et qui ferait intervenir des ondes susceptibles de se propager. Mais la réalité est plus complexe. La loi de Newton a été supplantée en 1915 par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein. Théorie qui suppose que la force de gravité provient de la courbure de l’espace temps (figure ci-dessous).

Capture

(Ci-dessous): La masse et donc la force de gravité de la terre crée une déformation de l’espace-temps prédite dans les équations d’Einstein. Il en va ainsi de tous les objets célestes, de la lune jusqu’aux énormes trous noirs. La masse de ces objets étranges est si gigantesque qu’elle pourrait provoquer une déformation infinie de l’espace-temps, à l’origine des probables trous de vers.

160210_8j68g_terre-espace-temps_sn635

Cette théorie qui  fait des prédictions différentes de la prédiction de Newton a été vérifiée de plein de manières différentes, elle est donc parfaitement juste et permet d’expliquer une grande quantité de phénomènes naturels tant dans le cosmos, que dans l’infiniment petit. Je vous dirais ainsi que l’action d’une masse sur la trajectoire de la lumière a été démontrée, c’est le phénomène de lentille gravitationnelle (figure ci-dessous): le halos lumineux qui entoure l’étoile provient en réalité d’une source lumineuse située derrière l’étoile et dont les rayons sont déviés du fait de la masse extrême de l’astre.

Capture

La découverte des trous noirs, l’expansion de l’Univers, les variations de l’écoulement du temps soumis à un champ gravitationnel intense. Il manquait jusqu’à ce jour un domaine de la théorie qui restait encore non vérifié, une des pierres angulaires de la théorie de la relativité générale. Il s’agit du domaine ou les courbures de l’espace et du temps sont faibles. Dans ce cas, la théorie d’Einstein se simplifie et ressemble davantage à la théorie de l’électromagnétisme de Lorentz. On retrouve en effet une théorie qui fait appel à des ondes qui se propagent, les fameuses ondes gravitationnelles. C’est en réalité un phénomène qui se passe dans un espace temps qui est peu courbé. Et c’est exactement ce qui caractérise l’espace-temps qui se trouve autour de nous : Il est peu courbé. La quasi totalité de l’Univers répond d’ailleurs à cet état de fait, les trous noirs et autres phénomènes gravitationnels extrêmes sur lesquels s’applique la théorie de la relativité générale sont choses rares et notre Univers est en réalité très peu courbé. On devrait donc rencontrer des ondes gravitationnelles.

Ces ondes, qui sont des déformations de l’espace-temps, ont également une structure particulière.

Lorsqu’elle avance et passe au travers d’un objet, l’onde gravitationnelle le déforme en le dilatant dans un sens et le contractant dans l’autre. Bien sur les déformations sont invisibles à l’œil nu et ne correspondent qu’à des variations de l’ordre du milliardièmes de micromètres (une barre de métal d’un mètre de long traversée par une onde gravitationnelle verrait sa longueur varier de 10 puissance -19 mètres) soit des variations plus petites que la taille d’un atome (10 puissance -15 mètres), mais elles existent et devraient pouvoir se mesurer.

La question que l’on peut se poser en premier lieu est : Qu’est ce qui produit des ondes gravitationnelles ?

De par leur nature, ces ondes sont infinitésimales et pour les détecter il faut alors des appareils de très grande précision qui regardent des événements cosmiques assez violents : collision d’étoiles massives, accélération de corps massifs. Dans l’Univers, ce qui se rapproche le plus de mouvements de corps massifs sont les systèmes binaires, ce sont deux étoiles très lourdes (étoiles à neutrons, trous noirs par exemple) qui tournent l’une autour de l’autre pour finalement s’effondrer l’une sur l’autre (figure ci-dessous):

Afficher l'image d'origine

Avant d’en arriver à cet extrême, les deux étoiles vont danser l’une autour de l’autre et déformer ainsi l’espace-temps qui les entoure (figure ci-dessous):

Afficher l'image d'origine

Leurs masses et leurs vitesses de rotation sont à l’origine d’ondes gravitationnelles. Mais ce n’est qu’à l’instant proche de leur collision qu’apparaît une bouffée d’ondes gravitationnelles mesurables avec nos appareils.

Depuis leur théorisation par Einstein, elles n’ont été observées qu’indirectement (pour la première fois en 1970, par deux chercheurs qui ont été récompensés du prix Nobel de physique en 1993) photo ci-dessous.

Capture

Les physiciens avaient étudié deux étoiles à neutron tournant l’une autour de l’autre. L’une de ces étoiles était un pulsar, soit une étoile émettant des ondes, notamment radios. Mais une anomalie avait été notée dans l’émission de ce signal. Or, cette anomalie (une augmentation de la fréquence de l’onde, liée à une perte d’énergie de l’étoile) correspondait exactement à l’impact qu’auraient ces fameuses ondes gravitationnelles. Ce fut la première preuve indirecte de leur existence.

Comme nous l’avons vu, seul un cataclysme peut créer une onde gravitationnelle. Et bien ce phénomène a été détecté dernièrement grâce à une technologie française : des miroirs fabriqués à Lyon qui réfléchissent l’image de ces ondes. Pour les scientifiques, ces observations permettraient de capter les lointains échos de la naissance de l’univers : le Big Bang, à l’origine de la première onde gravitationnelle.

 


 “L’observation de ces ondes serait une preuve expérimentale de la théorie de la relativité générale, ce qui l’assoirait entièrement“, m’explique Jean Audouze, astrophysicien à l’Institut d’Astrophysique de Paris (photo ci-dessous).

téléchargement (1)

Si les ondes lumineuses sont partout, où sont les ondes gravitationnelles? “Pour résumer, en physique, il n’y a que quatre types d’interactions (voir cet article ). Deux nucléaires, une électromagnétique et une liée à la gravité. Laissons de côté les deux nucléaires. L’électromagnétisme, c’est la lumière. Il y a à la fois l’émission de particules, les photons, et d’ondes lumineuses. D’ailleurs, les ondes électromagnétiques sont partout, et vous en connaissez de nombreuses: la lumière, évidemment, mais également les ondes radios, les infrarouges, les rayons X etc. Pour la gravité, c’est pareil. Il y a d’un côté des particules, les gravitons, de l’autre les ondes gravitationnelles. Sauf que ni les gravitons, ni les ondes n’ont été observées. Elles ont été imaginées et intégrées aux calculs compliqués d’Einstein et sont théoriquement présentes, mais pratiquement invisibles. Le problème, c’est que les ondes gravitationnelles sont bien plus faibles que leurs cousines liées à la lumière. La différence est de l’ordre de 10 puissance 35, ce qui veut dire que les ondes gravitationnelles sont “1 suivi de 35 zéros” plus faibles que les ondes électromagnétiques.”


Depuis, on a cherché à mesurer directement ces ondes, afin d’avoir une preuve irréfutable de leur existence. Pour ce faire, deux grands interféromètres ont été construits, aux Etats-Unis et en Europe: Ligo et Virgo (l’interférométrie est une méthode optique permettant de mesurer de très petites variations de distance, et servant notamment à comparer la longueur d’un objet à une longueur d’onde connue) . Le fonctionnement est assez simple. On place un laser à un endroit et un autre à plusieurs milliers de kilomètres de là. Chaque laser va se réfléchir sur un miroir et revient à sa base. Quand une onde gravitationnelle passe, elle fait des ondulations sur une certaine distance. Le but est alors de mesurer la variation sur ces lasers. Mais attention, celles-ci sont minimes, même quand on mesure des ondes provenant de cataclysmes astrophysiques distants de milliers d’années-lumière: “On mesure des variations ténues de quelques microns sur une distance de milliers de kilomètres.”

160210_b46c9_trousnoirs-ondes_sn635

(Ci-dessus) Illustration artistique d’un couple de trous noirs produisant des ondes gravitationnelles dans l’espace temps.  Photo :  NASA

Inspiral, merger, ringdown (figure ci-dessous) : Ce sont les noms anglais des trois étapes qui ont conduit deux trous noirs à se rapprocher en décrivant une spirale à la suite de pertes d’énergies sous forme d’ondes gravitationnelles, puis à entrer en collision pour finalement donner un seul trou noir. L’horizon des événements de l’objet compact final a vibré, telle une cloche frappée, en émettant des ondes gravitationnelles. L’événement a duré moins d’une seconde. Les courbes montrent les signaux détectés par les deux interféromètres Ligo, à Handford et à Livingston, aux États-Unis, le 14 septembre 2015. © Ligo, NSF, Aurore Simonnet

7bad2c2cf8_Ligo_fusion_trou_noir__LIGO_NSF_Aurore_Simonnet

A 11 h 51, heure de Paris, les deux interféromètres construits aux États-Unis et qui constituent le Laser Interferometer Gravitational-wave Observatory (Ligo), ont bel et bien détecté le passage d’une onde gravitationnelle correspondant à la fusion de deux trous noirs de masses stellaires.

Les deux astres compacts qui sont entrés en collision avant de ne plus faire qu’un seul trou noir contenaient respectivement 29 et 36 masses solaires, selon les analyses du signal observé. Bien qu’il n’ait pas été possible de situer précisément la région de la voûte céleste où s’est produit cet événement cataclysmique, on sait déjà qu’elle se trouve dans l’hémisphère sud. On sait aussi que la collision s’est produite à environ 1,3 milliard d’années-lumière de la Voie lactée.

C’est vraiment une surprise car on ne s’attendait pas à détecter un événement aussi lointain avec Ligo. Mais les masses des deux trous noirs étaient suffisantes pour produire un signal détectable sur Terre.

La vidéo qui suit, produite par le Centre national d’études spatiales de France, explique également le phénomène des ondes gravitationnelles.

Vidéo ici

Comment est-on certain que ce qui a été détecté correspond bien à des ondes gravitationnelles ?

En réalité deux interféromètres ont été construit aux Etats-Unis, l’un en Louisiane et l’autre dans l’état de Washington plus au nord (figure ci-dessous):

Capture

La détection d’une onde dans l’un des laboratoire doit être suivie d’une autre détection un laps de temps plus tard, correspondant au temps mis par l’onde pour se propager d’un détecteur à l’autre, ainsi on est certain qu’il ne s’agit pas d’un artefact ou d’un bruit parasite mais bel et bien de la détection d’une véritable onde gravitationnelle. Et c’est en effet ce qui s’est produit !

Conclusion:

Détecter un phénomène aussi insaisissable que les ondes gravitationnelles aura demandé plus de 50 ans d’efforts de par le monde dans la conception de détecteurs de plus en plus sensibles. Aujourd’hui, par cette première détection directe, les collaborations LIGO et Virgo ouvrent une nouvelle ère pour l’astronomie : les ondes gravitationnelles sont un nouveau messager du cosmos, et le seul qu’émettent certains objets astrophysiques, comme les trous noirs.

Voici donc une avancée dont il va falloir suivre les évolutions et qui sera à n’en point douter un futur prix Nobel de physique dans les années à venir !

Malgré cette avancée de la science, il me reste un petit gout amer. En effet, je m’aperçois qu’aujourd’hui on a réussit à complètement démontrer la théorie de la relativité générale. Il n’y a plus de doute, plus d’hésitation possible, plus d’incertitude. Certes, c’est la preuve que la théorie centenaire était juste et que Einstein était bien le génie que l’on supposait, en 2012 la particule de Dieu (théorisée en postulée indépendamment en 1964 par Robert Brout, François Englert, Peter Higgs), le boson de Higgs a été découverte et a révolutionné la physique des particules.

Alors que reste-t-il aux physiciens à découvrir ? il est clair qu’une page de la physique vient de se tourner et je trouve cela un peu triste. Tous les théoriciens qui travaillait sur ces ondes vont devoir réorienter leurs travaux.

La phrase la plus important en physique n’est pas :”Eureka j’ai trouvé !” mais plutôt “Tiens, ça c’est bizarre…” Et ici, rien de bizarre n’a été trouvé, rien qui n’ait déjà été modélisé auparavant. Espérons que les théoriciens de la physique ont encore bien du grain à moudre dans leurs laboratoires afin de nous faire rêver et surfer sur des ondes qui ne sont pas gravitationnelles celles là mais plutôt émotionnelles.


 

Je tiens à remercier le Docteur Michèle THALLER, Astrophysicienne à la NASA pour son soutien et les documents et conseils qu’elle m’apporte régulièrement dans l’élaboration de cette partie du blog.

Dr. Michelle L Thaller

Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.