Mais pourquoi un 29 février ?
Voici la réponse à une question qui m’a été posée dernièrement : ” D’où vient cette anomalie de notre calendrier ?”. Comme la solution est dépendante d’un phénomène cosmologique, je me suis précipité sur mon blog pour tenter de l’expliquer.
Si une année civile dure 365 jours, en réalité, la Terre n’a pas l’élégance d’effectuer une rotation complète autour du Soleil en exactement 365 jours elle met un peu plus de temps soit : 365,25 jours.
Tous les ans, la différence entre l’année civile et l’année terrestre crée un décalage de 0,25 jours. On corrige cet écart en ajoutant un jour tous les quatre ans (soit 0,25 jours par an ce qui correspond à 1 jour tous les 4 ans, 4 x 0,25 = 1 ).
Cela donne des années avec 366 jours, qui tombent donc tous les quatre ans. On les appelle « années bissextiles ».
C’est César le premier qui, sous les conseils d’un astrologue égyptien, Sosigène d’Alexandrie, décide d’imposer une année bissextile. On cherchait alors, comme aujourd’hui, à ce que le calendrier suive l’année des saisons – qui compte un peu plus de 365 jours. On avait calculé, avec les moyens de l’époque, qu’elle en comptait 365,25 jours : il s’agissait de compenser ce “quart” en ajoutant tous les quatre ans une journée au calendrier qui prend, en référence au nom de Jules César, le nom de calendrier “julien”. Or, on s’est aperçu, avec le temps, que les saisons se décalaient.
Le problème venait de la date de Pâques : elle était établie à partir de l’équinoxe de printemps, fixé à l’époque au 25 mars. Les saisons tournaient à ce rythme : 25 décembre, 25 mars, 25 juin, 25 septembre. Or, l’année des saisons ne compte pas 365,25 jours comme César le pensait, mais légèrement moins : 365,242199. Petit à petit, l’équinoxe de printemps est venu au 24 mars, puis au 23, au 22, au 21 : il se décalait de 3 jours tous les 400 ans. On a d’abord cru qu’il s’agissait d’une erreur de calcul. Mais le décalage s’est poursuivi.
Une première tentative de réforme du calendrier julien a lieu vers 1350… qui tombe à l’eau à cause de la peste noire. L’Église et les pouvoirs politiques avaient d’autres sujets de préoccupation devant un fléau qui a décimé en quelques années un quart de la population européenne. Au XVIe siècle, la question revient sur le devant de la scène. Le pape Grégoire XIII, qui dirige la réforme, souhaite y associer les chrétiens orthodoxes. Parce qu’il avait une santé fragile, les catholiques décident de précipiter les choses et les orthodoxes rompent leur accord. C’est finalement seul que le pape décide de fixer l’équinoxe de printemps au 21 mars… et de sauter une dizaine de jours pour rattraper les décalages antérieurs. En Italie, en Espagne, au Portugal, on passe directement du 4 au 15 octobre 1582.
En France, le saut de 10 jours n’est décidé qu’au mois de décembre de la même année. Et, de leur côté, les pays protestants refusent évidemment avec vigueur d’appliquer la décision du pape. Dans l’Allemagne d’alors, ainsi, on ne suivait pas les mêmes calendriers suivant que l’on vivait sous régime protestant ou catholique. Or, les années passant, l’écart ne fait qu’empirer : il passe à 11, puis 12, puis 13 jours… Parce qu’il engendre des problèmes commerciaux, l’Angleterre décida au XVIIIe siècle d’adopter le calendrier grégorien qui est encore en usage aujourd’hui. La Russie, elle, ne lui emboîtera le pas qu’après la révolution d’Octobre, la Chine en 1949. Et dans beaucoup de pays coexistent aujourd’hui plusieurs calendriers.
Ce décalage a causé quelques aventures amusantes. Sainte Thérèse d’Ávila est morte ainsi dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582. Et la date de décès de Shakespeare et celle de Cervantès, par exemple, sont la même : 23 avril 1616, alors qu’ils sont morts en réalité à dix jours d’intervalle, l’Espagnol Cervantès trépassant le premier.
Le calendrier grégorien prévoit une année bissextile tous les quatre ans, sauf lors d’années séculaires (1600, 1700, 1800…), à moins que celles-ci ne soient divisibles par 400. Ça a été le cas de l’année 2000 (5 x 400). Ce ne sera pas le cas de 2100. On supprime de cette manière trois années bissextiles tous les 400 ans, afin de supprimer le décalage du calendrier julien. Le calcul n’est pas encore tout à fait juste…, mais nous sommes tranquilles pour plusieurs siècles encore !