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Prix Nobel de Physique 2017 : Les ondes gravitationnelles, 100 ans après Einstein.

Trois astrophysiciens américains, Rainer Weiss, Barry Barish et Kip Thorne ont été récompensés par le prix Nobel de physique pour l’observation des ondes gravitationnelles, ouvrant une nouvelle fenêtre sur la connaissance de l’univers.

Le jury Nobel a primé “leurs contributions décisives au détecteur LIGO et l’observation des ondes gravitationnelles”, une avancée capitale de la recherche qui confirme une prédiction d’Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale. Leur “découverte a bouleversé le monde”, a souligné le secrétaire-général de l’Académie des sciences, Göran Hansson.

Mais de quoi s’agit-il ?

Il y a très très très longtemps, à plusieurs milliards d’années lumière de notre bonne vieille terre, un duo gigantesque a entamé une danse folle dans le cosmos.

Les danseurs étaient d’énormes trous noirs. En se rapprochant l’un de l’autre, ils ont finalement fusionner brutalement dans un formidable impact. Une collision si intense qu’elle a fait vibrer tout le tissu espace-temps. A l’identique d’une pierre que l’on jette dans une mare et qui fait naitre des ondes à la surface du liquide, la collision des deux monstres cosmiques (ils font respectivement 29 et 36 fois la masse de notre Soleil) a engendré une déformation de l’espace qui s’est propagée telle une onde à la vitesse de la lumière pour nous heurter 1,3 milliards d’années plus tard en avril 2016. De cette collision est né un trou noir super massif  de 62 masses solaires. Or, si vous faites le calcul, 29 + 36 = 65 et non pas 62 ! En effet, dans cette fusion cataclysmique, probablement l’événement le plus violent dans l’Univers ce jour là, l’équivalent de la masse de trois Soleil a été convertie en ondes gravitationnelles, délivrant une puissance de plus de 10 puissance 50 watts, une énergie monstrueuse, inimaginable… Le phénomène a été baptisé GW150914, et il est est entré dans l’histoire de l’astronomie. Car en une demi-seconde, plus un siècle de travail théorique et technique, les scientifiques ont observé pour la première fois la fusion de trous noirs et ouvert une nouvelle fenêtre sur l’Univers…

Sur son passage, cette onde dilaterait puis contracterait l’espace. Ainsi, en théorie, tout objet qui se trouve sur le trajet d’une onde gravitationnelle voit sa longueur varier : tout se passe comme si l’espace entre les atomes de ses molécules se distendait puis se resserrait. Ce surprenant constat indiquant qu’au loin deux astres massifs se rapprochent l’un de l’autre pour rentrer en collision ou encore qu’une étoile explose, éjectant son enveloppe.

Une révolution dans l’histoire des sciences. Le site d’études scientifiques LIGO a capté le signal caractéristique d’une onde gravitationnelle. L’information a été confirmée le jeudi 11 février 2016 lors d’une intervention conjointe à Paris des chercheurs de LIGO hanford et Livingstone (photo ci-dessous)

 

et de leurs homologues de VIRGO (photo ci-dessous),

installation quasi-identique située en Italie et dont le CNRS est membre fondateur : il s’agit de la 1ère détection de la “vibration de l’espace-temps” prédite par Albert Einstein. Celui-ci affirme en effet que tout déplacement de masse – de manière non symétrique – dans un point de l’univers doit créer une vague qui se propage à travers le cosmos, Système solaire et Terre compris. Au passage de cette vague gravitationnelle, une portion de l’espace se dilate puis se contracte avant de retrouver sa forme initiale. Et c’est la trace de ce passage à travers la Terre qui a été détectée.

Ci dessus, la salle de contrôle de l’observatoire Ligo

Avec la confirmation de cette information, c’est la consécration pour l’observatoire scientifique américain qui, après une amélioration technique en septembre 2015, explore désormais un volume d’Univers dix fois plus important qu’auparavant. LIGO s’étend sur deux sites aux deux extrémités des Etats-Unis, l’un à Hanford (État de Washington) – à l’ouest du pays – l’autre à Livingstone (Louisiane), au sud-est. Une transformation qu’a amorcée également en ce début d’année – mais plus tardivement – l’observatoire franco-italien Virgo situé près de Pise (Italie). Tous deux utilisent un interféromètre. Son principe : un rayon laser est envoyé sur un miroir qui le sépare en deux faisceaux. Chacun d’entre eux parcourt l’un des bras pluri-kilométriques à l’extrémité duquel un miroir renvoie le faisceau. Après plusieurs allers-retours pour augmenter la précision, le faisceau sort du bras pour croiser l’autre faisceau avec lequel il se recompose. Si les deux faisceaux ont parcouru la même distance, ils reviennent pile au même moment à l’intersection : si l’on soustrait la forme d’un faisceau de l’autre, le résultat est nul. En revanche, si une onde gravitationnelle a raccourci ou rallonge l’un des bras, l’un des faisceaux sort un peu avant ou après l’autre. Ce déphasage fait que le résultat de la soustraction des deux faisceaux ne sera pas nul. On conclut alors au passage d’une onde gravitationnelle. C’est cette “vibration” qu’aurait donc détecté LIGO. 

Mieux encore, la source de ces ondes gravitationnelles se situerait dans l’hémisphère sud, une hypothèse permise grâce à la comparaison des temps d’arrivée des ondes gravitationnelles dans les deux détecteurs situés d’un bout à l’autre des Etats-Unis (7 millisecondes d’écart) et l’étude des caractéristiques des signaux mesurés par LIGO et Virgo. “Cette découverte nous ouvre un vaste champ de recherches”, se félicite Benoît Mours, astrophysicien au laboratoire d’Annecy-le-Vieux. C’est même une “nouvelle astronomie” qui vient de voir le jour comme l’a relevé l’Académie des Sciences. En effet, sans un tel instrument, les chercheurs ne seraient jamais parvenu à détecter la fusion de ce duo de trous noirs.

En prouvant leur efficacité, ces détecteurs d’ondes gravitationnelles fournissent donc un nouvel outil pour scruter et comprendre notre univers.

Les ondes gravitationnelles ont été prédites par Albert Einstein voici un siècle exactement, dans sa théorie de la relativité générale. Pour le génial physicien, il s’agit des déformations de la trame de l’espace-temps, déformations induites par les masses en mouvement. On le sait, l’espace-temps Einsteinien est courbe, courbe et lisse. Mais si une masse se déplace dans le cosmos, elle creuse l’espace-temps et le ride. Ces rides, ces ondes gravitationnelles, se propagent, comme la lumière, à 300 000 kilomètres par seconde. Sauf que, jusqu’à ce jour, elles n’avaient jamais été observées. Les preuves que la relativité générale est aujourd’hui et depuis cent ans la théorie la plus précise et la plus féconde pour expliquer le cosmos à grande échelle sont légions : l’espace-temps courbe relativiste a été testé jusqu’à de sidérantes, sidérales précisions. Mais les ondes gravitationnelles, extraordinairement ténues, Einstein lui-même pensait qu’on ne les détecterait jamais…

Car les ondes gravitationnelles, on a cherché à les détecter, dès 1960. Et à la fin du XX e siècle, les scientifiques ont mis les bouchées doubles, en construisant trois immenses instruments, Ligo et Virgo. Des instruments identiques dans leur principe : il s’agissait de mesurer avec une précision absolue la distance entre deux masses tests, afin de détecter l’éventuelle passage d’une onde gravitationnelle, celle-ci, déformant l’espace pendant son passage, changerait imperceptiblement la distance entre ces deux masses. Pour ce faire les physiciens ont donc conçu des interféromètres de Michelson géants, c’est à dire des bancs optiques en forme de L, aux deux bras perpendiculaires, longs de 4 kilomètres pour Ligo, de 3 kilomètres pour Virgo, à l’extrémité desquels se trouvent les masses tests, à savoir des miroirs… Dans ces deux bras, soumis à un vide spatial, un faisceau laser circule continuellement. Les faisceaux réfléchis par chaque miroir sont mis en phase, les opticiens disent qu’ils forment des franges d’interférence. C’est en observant ces franges, qui doivent rester immobiles, que les physiciens attendent le passage d’une onde gravitationnelle. Un déphasage – correspondant à une distance parcourue moindre ou supérieure par le laser – était censée signer la déformation spatio-temporelle induite par le passage de l’onde…
Décrit comme cela, ça à l’air tout simple, mais en réalité, cette expérience de physique était un pari fou… Car des quatre « forces de la nature » l’électromagnétisme, les interactions nucléaires fort et faible et la gravitation, cette dernière est de très loin la plus faible : la gravitation est cent milliards de milliards de milliards de milliards (10 puissance 38) de fois plus faible que la force nucléaire qui lie les noyaux atomiques… La gravitation ne se fait sentir qu’en présence de masses considérables, comme les planètes, les étoiles, les trous noirs…

Les ondes gravitationnelles, qui font frissonner l’espace-temps courbe de la relativité générale, sont plus faibles encore. Jugez-en : le système solaire entier émet sous forme d’ondes gravitationnelles une puissance de… 5000 watts ! C’est la puissance d’un projecteur de stade de football… On comprend que Albert Einstein n’ai jamais cru à leur détection.
En revanche, les astres tout à la fois denses, compacts et en interaction peuvent émettre une quantité considérable d’énergie sous forme gravitationnelle : le pulsar double PSR B1913+16, avec ses deux étoiles à neutrons qui se tournent l’une autour de l’autre à la vitesse de 450 kilomètres par seconde, émet environ 10 puissance 24 watts, cela représente 2 % de la puissance rayonnée du Soleil… Quant à la fusion de deux trous noirs, comme celle qu’a observée Ligo, elle dépasse 10 puissance 50 watts, c’est à dire environ cinquante fois l’énergie produite sous forme de lumière par… l’Univers entier.
Mais les ondes gravitationnelles, comme les rides de l’eau d’un lac provoquée par la chute d’une feuille, s’amortissent progressivement… Et le lac cosmique est infini ou presque : de fait, les ondes gravitationnelles attendues par Ligo ou Virgo sont incroyablement ténues : l’espace, dans l’intervalle des miroirs des interféromètres, doit s’allonger – et se contracter dans l’autre bras perpendiculaire – de 10 puissance moins 19 mètre, soit du dix millième du diamètre d’un proton. On comprend, dès lors, que les interféromètres détectent avant tout du bruit de fond… Rumeurs de la Terre, mouvement des vagues lointaines, des masses atmosphériques, des voitures passant au loin, d’une petite souris grattant la terre sous l’interféromètre… Discriminer le signal, d’une ténuité surréaliste, des ondes gravitationnelles, du bruit ambiant, tel était le défi fou des ingénieurs et physiciens, de part et d’autre de l’Atlantique…
Pari gagné par l’équipe de Ligo, donc et son instrument rénové en 2015, appelé désormais Advanced Ligo. Advanced Ligo a commencé à observer en septembre 2015, avec en particulier un « round » d’observation de soixante heures d’affilée des deux antennes ensemble, une première.

C’est à cette occasion que, à leur immense stupéfaction, les ingénieurs et physiciens de l’équipe Ligo ont repéré, dans les données de leurs interféromètres ultra-précis, deux signaux identiques, à 3000 kilomètres de distance, et ayant exactement le profil d’une onde gravitationnelle… Encore une fois, la détection est indiscutable, et ce sont en tout… mille auteurs qui ont publié aujourd’hui l’article fondateur de l’astronomie gravitationnel dans les Physical Reviews Letters. Un article partagé gratuitement avec le public, donc, et d’une simplicité confondante, comme, souvent, les grandes découvertes scientifiques… Il est à noter que l’équipe américaine de Ligo a partagé la découverte avec l’équipe franco-italienne de Virgo, qui a participé à la naissance de cette nouvelle astronomie, en particulier grâce aux travaux fondateurs, en France, de Alain Brillet, Nathalie Deruelle et Thibault Damour, à l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques (IHES).

Cette observation extraordinaire ouvre probablement une nouvelle ère de l’astronomie et de la physique.

Les chercheurs espèrent pouvoir, avec les trois instruments de Ligo et Virgo ensemble, détecter et repérer plus précisément de nouveaux événements gravitationnels : explosions de supernovae, fusions d’étoiles à neutrons, fusion de trous noirs… Si ces événements sont rarissimes, le volume d’espace gigantesque embrassé par Ligo et Virgo promet, en principe, de nombreuses observations par an. Alain Riazuelo, chercheur à l’Institut d’Astrophysique de Paris, spécialiste de la modélisation des trous noirs, est optimiste : « Les anciennes versions de Ligo et Virgo n’avaient peut-être qu’une chance par siècle de détecter quelque chose. C’était trop peu, d’ailleurs, ils n’ont rien trouvé… Avec Advanced Ligo et Advanced Virgo, on devrait passer à une coalescence d’étoiles à neutrons ou de trous noirs par mois, voire par semaine. La prochaine génération d’interféromètres, comme le Einstein Telescope, dont les bras mesureront dix kilomètres, pourrait permettre d’observer l’Univers entier, alors, on pourrait avoir une découverte par jour, puis pourquoi pas, une toutes les heures… ».

Cette nouvelle fenêtre sur l’Univers, entr’ouverte aujourd’hui, devrait à l’avenir s’ouvrir toute grande : un clone de Ligo, Ligo India, doit être installé bientôt en Inde, les Japonais terminent la construction de leur propre télescope gravitationnel, Kagra, dans la mine de Kamioka, à côté du détecteur de neutrinos SuperKamiokande, et l’Europe, après ce spectaculaire succès, devrait bientôt donner le feux vert au télescope Einstein, un « super Virgo » actuellement à l’étude.

L’astronomie gravitationnelle promet d’observer les événements les plus violents de l’Univers, jusqu’ici demeurés invisibles : cœur d’étoiles supergéantes s’effondrant en trous noirs, fusions d’étoiles et fusions de trous noirs, chutes d’étoiles dans des trous noirs, ou encore fusions de trous noirs galactiques… Un rêve de physicien : comprendre mieux les trous noirs et leurs propriétés étranges, découvrir, peut-être, un écart de leur comportement à la loi d’airain d’Einstein, écrire, enfin, les premières pages d’une nouvelle physique…

A plus long terme, c’est même le premier souffle de l’Univers, le « Aum » originel, émis au moment même du big bang, dont les télescopes gravitationnels pourraient entendre l’écho, partout dans le ciel.

L’Unification ou l’esprit de Dieu (Soutenance du mémoire d’astrophysique du 16-09-2017 à l’observatoire de Paris-Meudon)

Le rêve d’Einstein (14/03/1879 – 18/04/1955)

Il y a 100 ans, nous aurions pu être les témoins d’un des plus grands mystères de la science moderne. Un mystère si profond qu’encore aujourd’hui des milliers de scientifiques essayent toujours de le résoudre.

Albert Einstein a passé les 20 dernières années de sa vie dans le New jersey, à Princeton, à essayer de trouver une théorie unique, si puissante, qu’elle décrivait tous les mécanismes de l’Univers. Il recherchait les équations permettant d’établir la théorie du TOUT, et était convaincu qu’il allait faire la découverte la plus importante de l’histoire des sciences. Mais le temps lui a manqué pour réaliser son rêve…

Aujourd’hui, plus d’un siècle plus tard, son objectif d’unification, combiner toutes les lois de l’univers en une seule et unique théorie est devenu le saint Graal de la physique moderne. On pense même avoir peut être réalisé le rêve d’Einstein avec une théorie radicalement nouvelle baptisée: «Théorie des cordes”. Et si cette dernière se vérifie, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Selon cette théorie, nous vivons dans un univers où réalité et science-fiction se rejoignent. Un univers en 11 dimensions, avec des univers parallèles aux coins de notre rue. Un univers élégant, composé uniquement de la musique de ces cordes. Cette ambitieuse théorie qui sonne compliquée repose en réalité sur une idée étonnamment simple. Elle postule que tout dans l’univers, de la plus infime particule à l’étoile la plus massive la plus lointaine, est fait d’un même ingrédient. Des brins d’énergie vibrante, incroyablement petits qu’on appelle des cordes. Tout comme une corde de guitare peut donner naissance à une grande variété de notes musicales, les cordes minuscules de notre théorie vibrent selon une multitude de modes différents, constituant ainsi tous les éléments de la nature. En d’autres termes, l’univers serait comme une formidable symphonie cosmique, raisonnant de toutes les notes que peuvent produire les vibrations de ces petits brins d’énergie. La théorie des cordes n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais elle révèle déjà une image totalement inédite de l’univers, à la fois merveilleuse et insolite.

Mais qu’est ce qui nous permet de penser, nous pauvres humains, que nous pouvons comprendre la complexité de l’univers ? Sans parler de la réduire à une seule théorie du Tout. Comment saurons-nous que nous sommes capables de comprendre les lois les plus profondes de l’univers ? Pour les physiciens d’aujourd’hui, cela ne fait aucun doute. Je vous invite à reprendre là où Einstein a laissé sa quête de l’Unification.

L’Unification ou l’esprit de Dieu

Cette Unification consiste en l’élaboration d’une loi unique décrivant sans doute l’univers connu, à partir d’une seule idée. D’une équation maîtresse. Nous envisageons comme possible cette équation maîtresse car depuis des années, notre compréhension de l’univers nous a donné un faisceau d’explications qui tendent absolument toutes vers un seul et même point. Elles semblent bien converger vers une seule idée en or, que nous cherchons encore sans pouvoir la trouver. Cette quête de l’unification existait bien avant Einstein. C’est en effet Isaac Newton qui, à mon sens, en fût véritablement à l’origine.

Un jour de l’année 1665, un jeune homme assis sous un arbre, nous dit-on, vit une pomme tomber devant lui. Avec cette chute d’un fruit, Isaac Newton révolutionna notre image de l’Univers. Dans une hypothèse audacieuse pour son temps, il affirme que la force qui attire les pommes vers la terre est la même que la force qui maintient la lune en orbite autour de la terre. D’un seul coup, il unifie les cieux et la terre en une théorie unique qu’il appelle : Gravité.

La gravité ou gravitation (G):

La G était la première force que l’on comprenait scientifiquement, mais trois autres encore allaient finalement suivre. Et bien qu’Isaac Newton ait découvert sa loi de la gravité il y a plus de 300 ans, ses équations décrivant cette force font de si exactes prédictions que nous continuons aujourd’hui à les utiliser pour envoyer des satellites dans l’espace. Ce sont mêmes elles qui ont permis aux scientifiques de calculer la trajectoire de la fusée qui a transporté l’homme sur la lune.

Mais il y a un problème ! Si ces lois décrivent la force avec une grande précision, Newton dissimule pourtant un secret embarrassant. Il n’a pas la moindre idée de la façon dont elles fonctionnent et ce n’est qu’au début du XXème siècle qu’Einstein va changer la donne.

A cette époque, il médite sur le comportement de la lumière. Il est loin de se douter que ses rêveries l’amèneront à résoudre le mystère de la G. A 26 ans, il va faire une découverte stupéfiante: La vitesse de la lumière est une sorte de limite de vitesse cosmique. Une vitesse que rien dans l’univers ne peut excéder. L’ennui c’est que l’idée que rien ne peut se déplacer plus vite que la lumière va à l’encontre de la vision Newtonienne de la gravité. Pour comprendre ce conflit procédons à quelques expériences mentales. Créons pour commencer une catastrophe cosmique ! Imaginons que tout à coup, sans le moindre avertissement, notre Soleil s’évapore et disparaisse complètement. Quel en serait l’effet sur les planètes selon Isaac Newton ? En cas de destruction du soleil, Isaac Newton prédit que la force d’attraction de notre étoile n’existant plus, alors la terre n’est plus soumise à cette force et donc quitte son orbite de même que toutes les planètes du système solaire soumises à l’attraction de l’étoile. En d’autres termes, Newton imaginait la gravité comme étant une force agissant instantanément à n’importe quelle distance. Ainsi, nous ressentirions instantanément l’effet de la destruction du soleil. Einstein voyait un énorme problème dans cette théorie. Il savait que la lumière ne se propage pas instantanément. Il faut en effet aux rayons du soleil 8 minutes pour qu’ils parviennent à parcourir les 150 millions de kilomètres qui séparent notre étoile de la terre. Et puisqu’il a démontré que rien, pas même la gravité ne peut aller plus vite que la lumière, alors comment la terre pourrait-elle quitter son orbite avant même que l’obscurité résultant de la disparition du Soleil ne touche notre planète ? Puisque rien ne peut excéder la vitesse de la lumière, alors, la vision newtonienne de la gravité est donc fausse ! Mais si Isaac Newton se trompe, pourquoi les planètes ne tombent elles pas ? Les équations de Newton permettent de calculer leur trajectoire et de calculer leur position dans le ciel avec une étonnante précision. Einstein se devait de résoudre ce dilemme. A 30 ans,  il va créer une image de l’univers dans laquelle la gravité n’excède pas la vitesse de la lumière. Au bout de 10 années d’intense remue-méninges, il trouve la réponse dans un nouveau genre d’unification. Il va finir par envisager les 3 dimensions de l’espace et la dimension unique du temps comme liées dans un même tissu d’espace-temps. Il espérait que cette compréhension de la géométrie de ce tissus quadridimensionnel lui permettrait de parler tout simplement d’objets évoluant le long des surfaces de cet espace-temps. Comme la surface d’un trampoline, ce tissus uniforme est distendu par des objets lourds comme les planètes ou les étoiles. C’est cette déformation, ou courbure de l’espace-temps qui crée ce que l’on ressent comme la gravité. Une planète comme la terre est donc en orbite non parce que le Soleil la contrôle et s’en empare de façon instantanée comme dans le théorie de Newton, mais simplement parce qu’elle suit les courbes du tissus spatial, courbes causées par la présence du Soleil.

Avec cette nouvelle compréhension de la gravité, rejouons notre catastrophe cosmique. Si le Soleil disparaissait, la perturbation gravitationnelle qui en résulte va se propager sous forme d’une vague au travers du tissu spatial de la même manière que des ondulations se propagent à la surface de l’eau quand on jette un caillou dans une mare.

Nous ne sentirions donc aucun changement dans notre orbite autour du soleil jusqu’à ce que cette vague atteigne la terre. Einstein précise même dans ses calculs que ces vagues voyagent exactement à la vitesse de la lumière. Ainsi, avec cette nouvelle approche, il résout le conflit avec Newton de savoir à quelle vitesse la gravité se propage. Et surtout, il donne au monde une nouvelle image de ce qu’est réellement la gravité. Ce sont des courbes et des distorsions dans le tissu même de l’espace et du temps.

Il appelle cette nouvelle image de la gravité: La relativité générale. Malgré cette incroyable réussite, il n’est pas satisfait et se donne un autre objectif : L’unification de la nouvelle image de la gravité avec la seule autre force connue à cette époque, l’électromagnétisme.

L’électromagnétisme :

l’électromagnétisme est une force qui elle-même n’avait été unifiée que quelques décennies auparavant. Au milieu du XIXème siècle, l’électricité et le magnétisme éveillent l’intérêt des scientifiques. Ces deux forces semblent reliées par une curieuse relation que les inventeurs comme Samuel Morse mettent à profit pour créer des dispositifs totalement nouveaux tels que le télégraphe. Un signal électrique envoyé au travers d’un fil télégraphique jusqu’à un aimant distant de plusieurs milliers de kilomètres produit les points et les traits familiers des messages d’un bout à l’autre du continent américain en une fraction de seconde. Pour un physicien écossais du nom de James Clark Maxwell,

Le lien entre électricité et magnétisme est tellement évident dans la nature qu’il réclame l’Unification. Quand un flux de particules chargées électriquement circule, il crée un champ magnétique vérifiable à l’aide d’une boussole. Maxwell veut établir la connexion entre électricité et magnétisme en langage mathématique. il parvient à échafauder 4 équations mathématiques élégantes qui unifient l’électricité et le magnétisme en une forme unique baptisée électromagnétisme.

Tout comme newton avant lui, Maxwell permet ainsi à la science de franchir une nouvelle étape vers le décryptage du code secret de l’univers. ce qui était impensable pour l’époque c’était que ces phénomènes soient connectés. Einstein est alors convaincu de pouvoir unifier sa théorie de la relativité avec celle de l’électromagnétisme de Maxwell.

Il veut reformuler la fameuse équation maitresse qui peut décrire tout l’univers dans son intégralité. Il est persuadé qu’il existe un phénomène grandiose qui régit l’univers dans son ensemble. Il voulait connaitre l’esprit de Dieu, voir le tableau dans son intégralité.

C’est aujourd’hui l’objectif de la théorie des cordes. Unifier notre compréhension de tout, depuis la naissance de l’univers jusqu’au tourbillon majestueux des galaxies au sein d’une seule et même série de principes, une équation maîtresse. Newton a unifié les cieux et la terre avec la théorie de la gravité, Maxwell a unifié l’électricité et le magnétisme, Einstein en a donc conclu que pour construire une théorie du Tout, une théorie unique pouvant englober toutes les lois de l’univers, il ne lui restait plus qu’à fusionner sa nouvelle vision de la gravité avec l’électromagnétisme . Mais lorsqu’il commence à travailler, il s’aperçoit que la différence d’intensité entre ces deux forces l’emporte sur leurs similarités. On a tendance à penser que la gravité est une force très puissante, mais comparée à l’électromagnétisme elle est en réalité extrêmement faible. Lorsque vous lancez un ballon du haut d’un toit, il chute et heurte le sol, entrainé par la gravité. Lorsqu’il rentre en contact avec le sol, il heurte les constituants de ce dernier, des molécules et des atomes qui construisent le bitume ou le sol sur lequel le ballon est tombé. Pourquoi le ballon ne traverse-t-il pas le trottoir pour rejoindre le centre de la terre ? Aussi curieux que cela puisse paraître, la réponse c’est l’électromagnétisme. Tout ce que nous voyons, vous, moi, le ballon, le trottoir est constitué d’éléments de matière appelés: atomes. La coquille externe de chaque atome contient une charge négative. Lorsque les atomes du ballon entre en contact avec ceux du ciment, ces charges électriques se repoussent avec une telle force qu’un petit morceau du trottoir peut résister à toute la gravité terrestre et arrêter la chute de n’importe quel objet. En réalité, la force électromagnétique est des milliards de milliards de fois plus importante que la gravité. Cette dernière agit sur de gigantesques conglomérats de matière (vous, moi, la terre, le soleil) tandis qu’à l’échelle atomique, elle devient une force étonnement faible.

Einstein va donc tenter de relier la gravitation avec l’électromagnétisme . Malheureusement, durant cette période, les avancées scientifiques vont le laisser un peu en retrait. Il avait obtenu de tels résultats en 1920 qu’il pensait pouvoir utiliser les mêmes outils théoriques avec le même succès. Mais ce ne fut pas le cas. Dans les années 20 et 30, on a découvert la nature sous un nouveau jour. Et les outils dont disposait Einstein et qui s’étaient montrés tellement efficaces en son temps n’étaient plus applicables.

En effet, dans les années 20, un groupe de chercheurs a volé la vedette à Einstein avec une manière nouvelle et excentrique de penser la physique. Leur vision de l’univers est tellement insolite qu’elle relègue la science-fiction au rang de pâle copie et ébranle la quête d’unification d’Einstein. Conduits par le physicien danois Niels Bohr (Photo ci-dessous).

Ces scientifiques découvrent une facette entièrement nouvelle de l’univers. Les atomes, longtemps considérés comme les plus petits éléments de la nature s’avèrent constitués de particules encore plus petites. Or les théories d’Einstein et de Maxwell ne peuvent expliquer la façon bizarre dont ces petits bouts de matière interagissent les uns avec les autres à l’intérieur de l’atome. La  gravité ne peut s’appliquer, elle est trop faible, et l’électromagnétisme n’explique rien non plus. En l’absence d’une théorie expliquant cet étrange nouveau monde, les scientifiques errent dans un territoire atomique inconnu à la recherche de n’importe quel repère identifiable.

Vers la fin des années 20, tout va changer ! Les physiciens développent une nouvelle théorie appelée: Mécanique quantique. une théorie capable de décrire le monde microscopique avec beaucoup de succès. Mais cette théorie est tellement radicale qu’elle pulvérise nos précédentes façons de concevoir l’univers.

Les théories d’Einstein présupposent un univers organisé et prévisible. Mais Niels Bohr n’est pas d’accord. Ses collègues et lui proclament qu’à l’échelle des atomes et des particules, le monde est un jeu de hasard. C’est un monde où règne l’incertitude. le mieux que l’on puisse faire d’après la mécanique quantique c’est de prédire les chances et probabilités d’avoir un résultat plutôt qu’un autre (article sur l’expérience de pensée du chat de Schrödinger).

Et cette idée singulière donne naissance à une vision inédite et troublante de la réalité. Tellement troublante que si les caractéristiques saugrenues de la mécanique quantiques étaient perceptibles dans la vie de tous les jours, nous penserions avoir perdu la tête. Pendant plus de 80 ans la mécanique quantique a affirmé avec succès que le bizarre et l’étrange étaient typiques de la façon dont notre univers se comporte à des échelles infiniment petites. A l’échelle de la vie quotidienne nous ne ressentons pas directement l’étrangeté de cette mécanique. Si il y a mille possibilités et que la mécanique quantique ne peut pas dire la quelle est la bonne, alors les milles se réaliseront. Nous avons le droit de douter, de dire que ce raisonnement est faux, mais l’expérience en physique nous a souvent prouvé qu’il y a eu beaucoup de choses qui semblaient fausses à l’époque de leur découverte et qui se sont révélées vraies aujourd’hui.

Il faut être prudent avant de dire: “c’est forcément faux !”

Même dans notre propre univers, pour la mécanique quantique, il y a une chance pour que les choses que l’on pense habituellement impossibles puissent quand même se produire. Ainsi, il existe une possibilité que des particules traversent un mur ou une barrière que vous et moi considérons comme impénétrable. Il y a même une chance pour que les atomes d’une chaise se mettent tous à vibrer dans la même direction entrainant le meuble sur une trajectoire rectiligne sans aucune aide extérieure. Mais tous les calculs quantiques nous montrent bien que la probabilité qu’une telle chose se produise dans le monde qui nous entoure est tellement mince qu’il faudrait rester à observer la chaise pendant une éternité pour espérer la voir bouger de quelques nanomètres !

Il faut apprendre à oublier les idées reçues sur notre monde pour comprendre la mécanique quantique. Au fond de moi, ai-je l’impression de comprendre profondément et  instinctivement cette mécanique ? Non bien sûr, et Einstein non plus. Il restera convaincu jusqu’au bout que l’univers se comporte de façon sûre et prévisible. L’idée que l’on ne peut que calculer des probabilités, que les choses tournent d’une façon ou d’une autre est un concept auquel il s’opposait farouchement. La mécanique quantique affirme qu’on ne peut connaitre avec certitude l’issue d’une expérience. On en peut qu’assigner une probabilité aux résultats de chaque expérience et cela déplaisait profondément à Einstein, il disait :”Dieu ne joue pas aux dés !” Et pourtant, les unes après les autres, les expériences montrent qu’Einstein avait tort et que la mécanique quantique décrit effectivement le fonctionnement du monde à l’échelle subatomique. Cette physique n’est donc pas un luxe, une lubie, quelque chose dont on peut se passer. Dès l’instant ou l’on veut comprendre quelque chose au niveau subatomique, on ne peut que progresser avec la mécanique quantique. Elle est extraordinairement exacte. Il n’est encore jamais arrivé qu’une prédiction faite grâce à la mécanique quantique contredise une observation.

Au début des années 30, la quête d’unification d’Einstein piétine. Alors que la mécanique quantique dévoile les secrets de l’atome. Les chercheurs s’aperçoivent que la gravité et l’électromagnétisme ne sont pas les seules forces à agir au cœur de la matière. En sondant la structure de l’atome, ils découvrent deux nouvelles forces ; la première est l’interaction forte qui agit comme une “super glue” et permet la cohésion entre les protons et les neutrons au cœur du noyau atomique. La seconde, l’interaction faible, permet au neutron de se transformer en proton (ou l’inverse) tout en émettant des radiations.

A l’échelle quantique, l’interaction qui nous est la plus familière, la gravité est totalement éclipsée par l’électromagnétisme et ces deux nouvelles forces. Les interactions faibles et fortes peuvent nous paraître obscures, mais il est au moins un aspect de leur puissance dont nous sommes tous conscient.

A exactement 05h29, le matin du 16 juillet 1945, cette puissance allait être révélée par un autre acte qui allait changer le cours de l’histoire. Au beau milieu du désert du nouveau Mexique, au sommet d’une tour haute de 30 mètres environ, la toute première bombe atomique était activée; Cette bombe de 1,5 mètre de large renferme une puissance équivalente à 20 000 tonnes de TNT. Avec cette gigantesque explosion, les scientifiques libèrent une interaction forte qui maintien les protons et les neutrons soudés dans le noyau. En brisant l’emprise de cette “colle” en explosant l’atome, on libère des quantités inimaginables d’énergie destructrice. On peut encore détecter sur le site des traces de cette explosion grâce à l’interaction faible. C’est en effet elle qui est responsable de la radioactivité mesurable sur le site de l’expérience.

Même si en comparaison avec la gravité et l’électromagnétisme les forces nucléaires agissent à une échelle qui semble minuscule, leur impact sur la vie quotidienne est tout aussi considérable.

Une question se pose malgré tout. Quelle est la place de la gravité, de la relativité générale d’Einstein, à l’échelle quantique ?

La mécanique quantique nous dit comment œuvrent les forces de la nature dans le domaine subatomique à l’exception de la gravitation. Personne ne sait encore comment elle opère au sein de l’atome. Nous n’arrivons pas encore à mettre la mécanique quantique et la relativité générale dans le même “paquet”.

A partir de 1933, Einstein décide de ne pas s’engager dans la voie de cette nouvelle physique. Les lois de cette mécanique quantique n’auront aucune place dans ses recherches ultérieures. Il est devenu un vieillard sympathique et hésitant, qui a mené une révolution mais qui s’est ensuite laissé distancer. Il s’éteindra le 18 avril 1955 à 76 ans et son rêve d’unification semble avoir disparu avec lui. Cette quête devient un bras mort de la physique. Plus aucun physicien sérieux ne s’est engagé dans cette voie. Depuis lors, la physique s’oriente dans 2 directions différentes. Une qui étudie la relativité générale pour l’étude des objets lourds de l’infiniment grand telles que les planètes, les étoiles, les galaxies et l’autre qui utilise la mécanique quantique pour l’étude des objets infiniment petits. C’est un peu comme si il existait deux familles vivant sous le même toit mais ne parvenant pas à discuter et à s’accorder. Néanmoins, notre compréhension de l’univers progresse chaque jour davantage même si l’on se heurte parfois à un obstacle. Ces facettes étranges du cosmos qui ne pourront pas totalement être comprises sans une théorie unifiée et ce n’est nulle part plus évident que dans les profondeurs d’un trou noir.

C’est un astronome allemand, Karl Schwarzschild

Qui en 1916 définit le premier ce qu’on appelle aujourd’hui un trou noir. Il est aussi le premier à avoir défini les lois d’interaction entre les champs magnétiques et la lumière, et à avoir décrit les phénomènes de courbure des rayons lumineux au voisinage de points gravitationnels, contribuant ainsi à fonder la théorie du trou noir.

C’est durant la première guerre mondiale, engagé sur le front russe par l’armée allemande en tant qu’artilleur, qu’il propose une nouvelle façon d’aborder les équations de la relativité générale et de les résoudre. Il s’aperçoit qu’une énorme quantité de masse, comme celle d’une étoile très dense, concentrée dans une petite zone, déformerait tant le tissu de l’espace-temps que rien, pas même la lumière ne pourrait échapper à son champ gravitationnel. Comme il serait très compliqué mathématiquement d’analyser une étoile en rotation ou une étoile non-sphérique, Schwarzschild se limita aux étoiles sphériques qui ne tournent pas. Il s’intéressa d’abord à décrire mathématiquement l’extérieur de l’étoile, reléguant à plus tard leur étude interne. Quelques jours plus tard, il avait calculé, dans tous ses détails, à partir des équations d’Einstein, la courbure de l’espace-temps à l’extérieur de n’importe quelle étoile sphérique qui ne tourne pas. Le calcul était élégant, et la géométrie courbe qu’il prédisait, la géométrie de Schwarzschild, devait avoir un immense impact sur notre compréhension de l’Univers. Il envoya donc une lettre à Einstein lui décrivant ses calculs, qu’Einstein présenta au nom de celui-ci à l’Académie des sciences de Prusse le 13 janvier 1916. Quelques semaines plus tard, Einstein présenta un second article de Schwarzschild : le calcul exact de la courbure à l’intérieur d’une étoile. À peine quatre mois plus tard, le 19 juin, Einstein annonça la mort de Schwarzschild à l’Académie des sciences de Prusse, à la suite d’une maladie contractée sur le front russe.

Pendant plusieurs dizaines d’années, les physiciens ont douté que les calculs de l’allemand soient plus qu’une simple théorie. Mais aujourd’hui, les satellites télescopes qui sont en orbite autour de la terre et qui scrutent l’espace, découvrent des régions avec un gigantesque champ gravitationnel que l’on considère comme étant des trous noirs. La théorie de Schwarzschild est devenue réalité.

Une question se pose alors. Si l’on considère le fin fond d’un trou noir où la matière s’est condensée jusqu’à n’être plus qu’un minuscule point dans l’espace. Faut-il appliquer les règles de la relativité générale parce qu’elle est incroyablement lourde ou celles de la mécanique quantique parce qu’elle est infiniment petite ? Le centre d’un trou noir est à la fois petit et lourd ! On doit donc utiliser les théories en même temps. Mais lorsqu’on essaye de réunir ces deux lois, leurs prédictions deviennent incohérentes. L’univers n’est pas incohérent, il a un sens qu’il faut arriver à percer. Avec la théorie des cordes, nous avons peut être obtenu un moyen de relier l’infiniment grand et l’infiniment petit pour donner un sens à l’univers à toutes les échelles et en tous lieux.

Plutôt qu’une multitude de particules minuscules, la théorie des cordes affirme que tout dans l’univers, toutes les forces et toute la matière se composent d’un seul ingrédient. De minuscules brins d’énergie vibrante qu’on appelle des cordes. Une corde peut frétiller de beaucoup de manières différentes ce qui n’est pas le cas d’une particule. Et ces différentes manières de vibrer correspondent aux différentes particules élémentaires. C’est comme une corde de guitare. Chaque vibration, donc chaque note décrit une particule différente.

Cette théorie a donc un pouvoir d’unification extraordinaire. Elle unifie notre compréhension de toutes ces particules. Cette séduisante théorie est bien sur sujette à controverse. Si elles existent, les cordes sont si petites qu’il y a peu d’espoir de pouvoir en observer une. Si cette théorie ne parvient pas à fournir une prédiction vérifiable, alors, il ne faut pas y croire. Mais étant donnée l’histoire de l’évolution de la physique théorique jusqu’ici, il reste concevable qu’une partie sinon l’ensemble de ces idées finisse par s’avérer correcte. D’ici cent ans, cette période de la naissance de la théorie des cordes restera comme un âge héroïque durant lequel des théoriciens brillants auront réussis a développer une théorie unifiant tous les phénomènes de la nature. Mais elle peut également rester comme un échec tragique…

Histoire de la théorie des cordes :

D’où vient cette théorie étrange et audacieuse ?

Comment peut-elle obtenir l’unification de lois régissant l’infiniment grand et l’infiniment petit ? Comment savoir si elle est juste ou farfelue ?

Aucune expérience à ce jour ne peut vérifier ce qui se passe à de telles distances. On est même en droit de se poser la question de savoir s’il s’agit d’une théorie physique ou à une forme de philosophie. La toute première question qui me vient à l’esprit est la suivante :”Pour quelles raisons ne pourrait-on vivre dans l’univers avec deux théories qui s’affrontent ?

Si c’est le cas, cela ne nous empêche manifestement pas de vivre. On pourrait répondre à cette question par une métaphore. Imaginons une ville dans laquelle existeraient deux codes de la route. Un pour les piétons et un pour les véhicules. Sachant que ces deux codes seraient totalement différents voir, incompatibles. N’y aurait-il pas un moment ou ces deux modes de fonctionnement entreraient en conflit ? Risquant par de là même à créer un déséquilibre sur la façon dont la circulation s’effectuerait dans la ville. Nous en sommes un peu là avec ces deux lois physiques. Il faut donc, pour comprendre notre monde, créer un moyen de réunir ces deux grands ensembles de lois conflictuelles en une seule. Les physiciens partent du principe que cette théorie existe. Ils travaillent “simplement” à mettre en œuvre des moyens ingénieux pour la trouver. Rien n’indique qu’ils vont réussir, mais l’objectif est bien d’arriver à une théorie unique qui gouvernerait tout.

Vers la fin des années 60, un physicien italien, Gabriele Veneziano est à la recherche d’un ensemble d’équations pouvant expliquer l’interaction forte. La colle extrêmement puissante qui maintien le noyau de chaque atome en liant protons et neutrons.

Un jour, il ouvre un livre poussiéreux sur l’histoire des mathématiques et trouve une équation énoncée 200 ans auparavant par un mathématicien suisse, Leonhard Euler.

Veneziano découvrit que la fonction bêta (une fonction eulérienne) utilisée comme amplitude de dispersion, désormais appelée amplitude de Veneziano, possède de nombreuses propriétés pour expliquer les propriétés physiques de l’interaction forte entre les particules. Cette amplitude est actuellement interprétée comme l’amplitude de dispersion pour quatre cordes tachyoniques ouvertes et comme le point de départ de la théorie des cordes. Il est stupéfait de découvrir que cette équation, depuis longtemps connue comme une simple curiosité mathématique, semble décrire une interaction forte. Il publie un article et devient à jamais célèbre pour cette découverte. L’équation d’Euler acquiert alors sa dynamique propre, La théorie des cordes vient de naître.

Au cours du temps, elle se diffuse pour apparaître sur le tableau noir d’un jeune physicien américain, Leonard Susskind.

Il a pensé en la lisant :”Elle est tellement simple que même moi, je peux la résoudre !” Il sait que cette équation est l’expression mathématique de l’interaction forte. Mais sous les symboles abstraits il a entre aperçu quelque chose de nouveau. En réalité, il l’a trituré, dans tous les sens, il a joué avec. il a passé deux mois enfermé dans son grenier et constate enfin que l’équation décrit une particule dotée d’une structure interne qui pourrait vibrer et pas uniquement une particule ponctuelle. Il s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une corde, un peu comme un élastique coupé en deux. Cet élastique peut vibrer, mais également osciller et il répond exactement comme solution de l’équation observée. Il rédige alors un article qui présente l’idée révolutionnaire des cordes. Avant d’être publié, son article doit être lu par un comité d’experts. Le retour de leur avis fut glacial :”Assez médiocre, ne mérite sans doute pas d’être publié !Susskind accuse le coup. Le rejet de son article aurait bien pu sonner le glas de la théorie des cordes. De surcroit, au même moment, la physique traditionnelle est en train de s’orienter vers une idée de particules en forme de points et non de cordes… C’est au cœur des accélérateurs de particules, en faisant s’écraser les briques élémentaires les unes contre les autres à très grande vitesse, et en étudiant le résultat de ces collisions que l’idée leur est venue. Dans l’avalanche de particules produites, ils découvrent que la nature est bien plus riche qu’ils ne le pensaient. Tous les mois, une nouvelle particule voyait le jour. Le méson rhô, la particule oméga, B, B1, B2, Phi etc…

Plus de lettres que n’en possède la plupart des alphabets.

C’était une véritable explosion démographique, l’effervescence était à son comble. Au cœur de cet ensemble de particules les physiciens ne découvrent pas que des constituants de la matière, ils font une prédiction étrange et surprenante. D’après eux, les particules pourraient aussi expliquer les forces de la nature. à la manière d’un jeu : un jeu dans lequel les particules seraient des joueurs qui s’envoient une balle qui serait elle-même une particule de force. Cette particule de force est appelée “particule messagère”. Par exemple dans le cas de la force électromagnétique, la balle représente un photon, et plus il y a d’échanges de ces particules messagères ou photons, plus forte est l’attraction magnétique. Les scientifiques pensent que c’est cet échange de particules messagères qui crée ce que l’on ressent comme une force. Les expériences ont confirmé cela avec la découverte des particules messagères de l’électromagnétisme, de l’interaction forte et de l’interaction faible.

Du coup le rêve d’Einstein, l’unification des forces, se remet à prendre corps.

Les chercheurs font le raisonnement suivant : si on rembobinait le film cosmique jusqu’aux toutes premières secondes du big bang, lorsque l’univers était des billions de fois plus chaud et plus dense qu’aujourd’hui, les particules messagères de l’électromagnétisme et de l’interaction faible seraient impossibles à distinguer. De même que des glaçons fondent au soleil pour donner de l’eau, les expériences montrent que quand on revient aux conditions de chaleur extrême du big bang, l’électromagnétisme et l’interaction faible se fondent et s’unissent en une seule force, dite force électrofaible. Et en poussant le raisonnement plus loin, si on rembobinait encore un peu plus le film cosmique, la force électrofaible s’unirait à l’interaction forte pour donner une grande super force.

Tout convergeait donc vers une représentation simple des particules connues. On a fini par appeler cette représentation : le modèle standard.
Les prix Nobel se sont alors mis à pleuvoir dans le monde scientifique autant que les particules… Mais derrière les roulements de tambours se cachait une omission flagrante. Le modèle standard explique trois des forces qui régissent le domaine de l’infiniment petit, mais il passe sous silence la force la plus connue, la gravité. Ce qui ne l’empêche pas de s’imposer, rejetant dans l’ombre la théorie des cordes.

En 1973, seule une poignée de jeunes physiciens se débat encore avec les équations obscures de la théorie des cordes. L’un d’eux, John Schwarz,

s’emploie à résoudre ses nombreuses bizarreries. Entre autres, celle d’une mystérieuse particule sans masse prédite par la théorie mais jamais observée dans la nature. Et toute une série d’anomalies ou d’incohérences mathématiques. “On a passé un temps fou à tourner tout ça sous tous les angles, essayant par tous les moyens de parvenir à quatre dimensions et de se débarrasser de cette particule sans masse. Mais on arrivait toujours à un résultat bancal et peu convaincant”, dit-il. Quatre ans durant, Schwarz essaie de discipliner les équations de la théorie des cordes en les changeant, les ajustant, les combinant et les recombinant de différentes façons. En vain. Sur le point d’abandonner, il lui vient soudain une idée géniale. Et si ces équations décrivaient la gravité ? Cela voudrait dire qu’il faudrait revoir complètement la taille de ces minuscules brins d’énergie, la taille des cordes. Si on suppose que les cordes sont 100 milliards de milliards de fois plus petites qu’un atome, l’un des défauts de la théorie devient une qualité. Cette particule sans masse, est en fait un graviton, la particule longtemps cherchée sensée transmettre la gravité au niveau quantique. La pièce qui manquait au modèle standard vient de se mettre en place. Schwarz soumet pour publication sa théorie révolutionnaire décrivant le fonctionnement de la gravité dans l’univers subatomique. Il est rejoint dans sa quête par l’un des seuls autres chercheurs prêts à miser toute leur carrière sur les cordes : Michael Green.

Au début des années 80, si le problème de la mystérieuse particule sans masse semblait être résolu, ils allaient devoir reconnaître qu’il restait dans la théorie des cordes nombre d’aberrations mathématiques, celles appelées précédemment “anomalies”. Une anomalie est quelque chose d’étrange ou de déplacé, qui n’a rien à faire là où on la trouve. Or, en mathématique, les anomalies peuvent signifier l’arrêt de mort d’une théorie physique.

Pour comprendre le problème, utilisons un exemple simple :

Disons que nous avons une théorie dans laquelle deux équations différentes décrivent une même propriété physique de notre univers. Hors si on résout l’une après l’autre ces équations, et qu’on trouve une valeur différente de x dans chacune d’entre elles, on sait que la théorie à des anomalies, puisqu’il ne peut y avoir qu’une seule valeur de x. A moins de revoir les équations pour obtenir la même valeur de x de chaque côté, la théorie s’écroule. On était donc dans l’impasse.

Un soir de l’été 1984, après avoir bataillé pendant 5 ans contre les anomalies de la théorie des cordes, Schwarz et Green parviennent enfin au but.

Tout le monde pensait que la théorie était incohérente à cause de ses anomalies. Hors pour une raison inexplicable j’étais sûr qu’on se trompait, me disant que cette théorie était forcément juste et qu’il ne pouvait pas y avoir d’anomalie. Alors on a décidé de les calculer”.

Ils reprennent donc ce soir-là les deux équations et calculent dans chaque équation la valeur des anomalies. S’ils obtiennent le même nombre dans les deux équations, ils auront prouvé que la théorie des cordes ne contient en fait pas d’anomalies, puisque les deux équations seront bien égales.

Et effectivement, dans chacune des deux équations, ils trouvent la même valeur, soit “496”, pour les anomalies. Ce qui signifie qu’en remplaçant simplement les anomalies par ce nombre trouvé, les deux équations s’harmonisent, et que du même coup la théorie des cordes non seulement ne comporte plus d’anomalies, mais est capable d’exprimer mathématiquement les quatre forces à l’œuvre dans l’univers à toutes ses échelles. Les cordes pouvaient en effet non seulement décrire la gravitation, mais aussi les autres forces. Le rêve d’unification d’Einstein semblait proche de se réaliser.

La réaction est explosive. En moins d’un an, le nombre de théoriciens des cordes passe d’une poignée à plusieurs centaines. La théorie des cordes est rebaptisée la “Théorie du Tout”. Cette théorie élégante semble capable de décrire tous les éléments constitutifs de la nature. A l’intérieur de chaque grain de sable il y a des milliards de minuscules atomes. Chaque atome est constitué de plus petites bribes de matière, les électrons qui “tournent” autour d’un noyau fait de protons et de neutrons eux-mêmes faits de briques de matière encore plus petite appelées quarks. Mais la théorie des cordes va plus loin. Elle affirme que les particules qui composent tout ce qui existe dans l’univers sont faites d’éléments encore plus petits, de minuscules brins d’énergie en oscillation. Chacune de ces cordes est d’une petitesse inimaginable, si on grossissait un atome pour lui faire atteindre la taille du système solaire, une corde ne serait pas plus grande qu’un arbre.

Idée fondamentale:

De même que les différentes vibrations d’une corde de guitare créent ce que nous percevons comme des notes de musiques différents, les différents modes de vibration des cordes donnent aux particules leurs caractéristiques intrinsèques, comme leur masse, leur charge électrique. Composée d’une multitude de ces cordes oscillantes l’Univers peut être considéré comme une grande symphonie cosmique. Et cette idée attrayante résout le conflit entre l’image imprévisible et heurtée de l’espace au niveau subatomique et le modèle lisse de l’espace à grande échelle. C’est l’opposition entre le caractère saccadé de la mécanique quantique et la régularité de la relativité générale qui fait qu’il est si difficile de concilier les deux, de les réunir. Ce qu’apporte la théorie des cordes, c’est qu’elle calme les saccades de la mécanique quantique. Elle les disperse en reprenant l’ancienne idée d’une particule ponctuelle et en l’étalant pour en faire une corde. Les salades sont toujours là, mais elles sont moins brutales, juste assez pour que la théorie quantique et la relativité générale s’emboîtent parfaitement à l’intérieur du système. C’est un triomphe des mathématiques. Simplement armés de ces minuscules brins d’énergie en vibration, les théoriciens des cordes affirment être en passe de réaliser le rêve d’Einstein : Unifier toutes les forces et toute la matière. Mais cette nouvelle théorie d’avant-garde a elle aussi son talon d’Achille.

Aucune expérience ne peut encore vérifier ce qui se passe à une pareille échelle. Aucune observation ne peut porter sur des distances aussi minuscules. Ou des énergies aussi gigantesques. Il n’existe donc aucune expérience, aucune observation capable d’affirmer cette théorie. Elle est à l’abri de toute contestation, définitivement. Est-ce une théorie physique ou une philosophie ? La question est posée. L’avenir et ses révolutions technologiques prouveront certainement de façon expérimentale la véracité de cette théorie.

Ce qui rend la théorie des cordes encore plus difficile à prouver, c’est que pour fonctionner, ses équations complexes nécessitent quelque chose qui parait relever de la science-fiction. 

Des dimensions spatiales supplémentaires.

Pour être pris au sérieux, les théoriciens des cordes doivent expliquer comment cette étrange prédiction doit être vraie. Or selon eux, cette idée plutôt saugrenue est plus réaliste qu’on ne le pense. Pour se rendre à un rendez-vous on a besoin de 4 informations capitales. Chacune de ces information définie chacune des dimensions de l’espace. Une rue, une avenue, un repérage dans le plan, le numéro de l’étage pour la troisième dimension et l’heure du rendez-vous pour la quatrième dimension. L’étrange idée qu’il existe des dimensions supplémentaires est vieille de près d’un siècle.

En 1919, Théodore Kaluza (1885-1954),

un mathématicien allemand inconnu, a eu le courage de mettre en doute l’évidence dimensionnelle. Il a suggéré qu’il était possible que notre Univers ait eu une dimension supplémentaire que nous n’arrivions pas à voir. Albert Einstein avait même été séduit par l’idée de Kaluza, puis avait semblé plus hésitant et durant deux ans avait retardé la publication de l’article de Kaluza. Finalement, l’article est publié, Einstein avait décidé que tout compte fait, ces dimensions supplémentaires l’intéressaient.

Voici l’idée :

En 1916, Einstein a montré que la gravité est simplement le résultat de déformation et d’ondulations de l’espace-temps. Trois ans plus tard, Kaluza suggère qu’il en va peut être de même pour l’électromagnétisme. Mais si c’est le cas, il faut que ces ondulations se produisent quelque part. Il propose donc l’existence d’une dimension spatiale supplémentaire et cachée. Mais si Kaluza avait raison, où est donc cette autre dimension ? Et à quoi pourrait-elle ressembler ? Comment peut-on même essayer de l’imaginer ? Poursuivant plus tard le travail de Kaluza, le physicien suédois Oscar Klein,

a suggéré une solution originale:

Regardez un câble électrique suspendu entre deux pylônes. A une certaine distance il est impossible de voir qu’il possède une épaisseur, c’est un simple trait posé sur le bleu du ciel. Chaque câble ressemble à une ligne, un objet uni dimensionnel. Si l’on peut explorer ce câble de tout prêt, on se rend compte alors qu’il existe une deuxième dimension, celle qui tourne autour du câble. Du point de vue d’une fourmi sur le câble, elle peut se déplacer en avant et en arrière, mais aussi autour du câble, dans le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens contraire. Les dimensions devraient donc se classer en deux catégories. Elles peuvent être longues et dépliées comme la longueur du câble, mais aussi minuscule et enroulé comme la direction circulaire qui enveloppe le câble et en fait le tour.

Kaluza et Klein ont émis une idée extraordinaire, il leur est apparu que le tissus de l’Univers pourrait bien être comme la surface de ce câble et pourrait aussi avoir de très grandes dimensions comme les trois dimensions habituelles et qu’il pourrait également en avoir de minuscules enroulées très serrées, des milliards de fois plus petites qu’un atome qui les rendrait invisibles. La perception que nous avons de vivre dans un univers à trois dimensions spatiales pourrait être finalement totalement fausse. Nous vivons peut être dans un Univers qui aurait plus de dimensions qu’il n’y parait.

A quoi ressembleraient ses dimensions supplémentaires ?

Selon Kaluza et Klein, si l’on pouvait rapetisser des milliards de fois on trouverait en chaque point de l’espace une minuscule dimension supplémentaire repliée sur elle-même. Et de même qu’une fourmi peut parcourir la dimension circulaire qui fait le tour d’un câble, une fourmi des milliards de fois plus petite pourrait également en théorie parcourir cette minuscule dimension circulaire. Kaluza est d’abord passé à la postérité pour sa formulation d’une théorie unifiée des champs censée unifier sur le plan théorique la gravitation universelle et l’électrodynamique de Maxwell. Il adjoignit pour cela à l’espace-temps de la théorie de la relativité une cinquième dimension qui rendait intégrables les équations de Maxwell. Lorsqu’il découvrit cette idée, Einstein, fort impressionné, écrivit à Kaluza : « J’ai le plus grand respect pour la beauté et la finesse de votre conception.» Sur recommandation d’Einstein, ce travail parut en 1921 dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences de Prusse. Mais le succès croissant de la toute nouvelle mécanique quantique relégua peu à peu au second plan ce programme, et Einstein reconnut, avec prudence : « On ne peut encore dire pour l’instant si l’idée de Kaluza sera validée, mais il faut lui reconnaître du génie. »

L’idée que des dimensions supplémentaires existent autour de nous constitue le fondement de la théorie des cordes. En réalité, mathématiquement, la théorie de nécessite non pas une, mais 6 dimensions supplémentaires. Tordues et enroulées en des formes complexes. Comment ces dimensions pourraient-elles avoir un effet quelconque sur notre vie quotidienne ?

Selon la théorie des cordes, la forme est primordiale.

C’est grâce à sa forme qu’un cor d’harmonie peut émettre des dizaines de notes différentes. Quand on appuie sur l’un des pistons, la note change car on modifie la forme de l’espace à l’intérieur du cor où l’air résonne. Les dimensions spatiales repliées sur elle-même de la théorie des cordes fonctionneraient de la même manière.  Si on devenait suffisamment petit pour pénétrer dans l’une de ces formes à 6 dimensions prédites par la théorie, on verrait comment ces dernières sont tordues et enroulées les unes sur les autres, influençant la manière dont les cordes, les éléments fondamentaux de notre Univers, bougent et vibrent. Et cela pourrait être la clé de l’un des plus grands mystères de la nature.

Notre univers : Une machine réglée très précisément.

Les scientifiques ont découvert qu’il y a environ 20 nombres. 20 constantes fondamentales dans la nature qui donnent à l’Univers les caractéristiques que nous lui connaissons. Ce sont des nombres comme la masse de l’électron, l’intensité de la gravité, la force électromagnétique et l’interaction forte et faible. Et tant qu’on règle les boutons de la machine sur les bonnes valeurs pour chacun de ces 20 nombres, elle produit l’univers que nous connaissons et que nous aimons. Mais si l’on change ces nombres en ajustant les réglages de la machine même de façon minime, les conséquences sont spectaculaires. Par exemple, si on augmente l’intensité de la force électromagnétique, les atomes se repoussent plus fortement, et la chaudière nucléaire qui fait briller les étoiles s’arrête. Les étoiles, y compris notre soleil s’éteignent et l’univers disparait. Alors qu’est ce qui dans la nature règle les valeurs de ces 20 constantes aussi précisément ? La réponse pourrait résider dans les dimensions supplémentaires de la théorie des cordes. Les minuscules formes à 6 dimensions prédites par la théorie font vibrer une corde exactement comme il faut pour produire ce que nous voyons comme un photon, elles en font vibrer une autre de façon différente pour produire un électron… Ces minuscules dimensions supplémentaires pourraient donc bel et bien déterminer toutes les constantes de la nature et permettre à la symphonie cosmique de rester accordée.

Au milieu des années 80 la théorie des cordes semble promise à une brillante carrière. Mais en coulisses la confusion règne. Au fil des ans, les efforts des théoriciens des cordes ont été si fructueux qu’ils ont battis non pas une, mais 5 différentes versions de la théorie. Toutes reposent sur les cordes et sur l’existence de dimensions supplémentaires, mais dans les détails elles ne s’accordent pas. Certaines font état de cordes ouvertes, d’autres parlent de cordes fermées. Deux d’entre-elles prévoient même 26 dimensions… Ces 5 versions paraissent tout aussi valables, mais laquelle décrit vraiment notre Univers ?

La théorie des cordes s’avérera-t-elle la théorie du Tout ? Ou deviendra-t-elle une théorie du rien ?

Bienvenue dans la 11eme dimension !

Si nous étions capables de contrôler l’espace ou le temps. On pourrait faire des choses absolument étonnantes. On pourrait voyager dans le temps, dans l’espace instantanément. Nous sommes tous persuadés que ce genre de voyage n’est pas possible, et c’est probablement vrai, mais il est clair que ces dernière années, l’idée que nous nous faisons de la nature, de l’espace et du temps, peut nous sembler avoir un peu changé et ce qui il y a un temps pouvait passer pour de la science-fiction nous apparait presque à notre portée aujourd’hui. Et tout cela grâce à la théorie des cordes.

Tentons par la pensée de réduire la totalité de l’espace à une taille plus humaine. Imaginons que l’univers tout entier ne comporte que l’endroit où j’ai grandi, un quartier de la ville de Paris. Un quartier de paris représente donc l’ensemble du tissu spatial. Et supposons que je sois le directeur d’une grosse entreprise possédant ses bureau place du Trocadéro. Comme le temps c’est de l’argent, je dois trouver le chemin le plus court de mon appartement au Sud du quartier à mon bureau situé au Nord du quartier. Nous savons tous que la plus courte distance pour aller d’un point à un autre est la ligne droite. Mais même s’il n’y avait pas d’embouteillages, ce qui est difficile à concevoir même dans un Paris imaginaire, il faudrait cependant un certain temps pour arriver là-bas. En allant de plus en plus vite on pourrait réduire la durée du trajet. Mais comme rien ne peut dépasser la vitesse de la lumière, il y a bien une limite incompressible au temps que l’on peut gagner sur ce trajet. Cet Univers “Quartier de Paris” correspond à une vision classique de l’espace qui se présente comme une grille plate, statique et immuable. Pourtant quand Einstein étudie la structure de l’Univers, ses conclusions sont toutes autres. Il affirme que l’espace n’est pas statique, qu’il peut se tordre et s’étirer. Il peut même y avoir des structures spatiales inhabituelles appelées trou de ver. Un trou de ver est un pont ou tunnel, entre deux régions éloignées de l’espace, une sorte de raccourci cosmique.

Dans ce type d’univers, fini le cauchemar des embouteillages aux heures de pointe. Mais il y a un problème. Pour créer un trou de ver, il faut former un trou en déchirant ou en perçant le tissus spatial peut-on déchirer le tissus de l’espace ? La théorie des cordes peut-elle répondre à cette question ? Pour Einstein l’espace ne peut pas se déchirer. Les trous de ver existent peut être dans l’espace déjà formées, mais on ne peut pas déchirer l’espace pour en créer de nouveaux. En d’autres termes, je ne peux pas prendre un trou de ver pour aller au travail. La théorie des cordes nous ouvre une nouvelle perspective sur l’espace. Elle nous montre qu’Einstein n’avait pas toujours raison. 

Observons de plus près le tissu spatial. Essayons par la pensée de se réduire à une taille permettant de rejoindre le monde de la mécanique quantique qui régit le comportement des atomes. C’est le monde de la lumière, de l’électricité, et de tous les phénomènes opérant à l’échelle de l’infiniment petit. Ici, la structure de l’espace est aléatoire et chaotique. Les déchirures sont peut-être des évènements anodins. Mais si c’est le cas, comment expliquer qu’une déchirure spatiale n’engendre pas de catastrophe cosmique ? C’est là qu’intervient la puissance des cordes. Elles apaisent le chaos, et lorsqu’une seule et unique corde “danse” à travers l’espace, elle le ballait et forme ainsi un tube. Celui-ci peut agir à la manière d’une bulle en venant entourer la déchirure faisant officie de bouclier protecteur. En fait, ce sont les cordes qui permettent à l’espace de se déchirer. L’espace serait donc beaucoup plus dynamique et changeant que ce qu’avait prévu Einstein.

Notre univers pourrait n’être qu’une petite partie d’un ensemble beaucoup plus grand. Peut-être vivons-nous sur une membrane tridimensionnelle qui flotte au milieu d’un espace de dimension supérieure. Il y a peut-être des mondes entiers justes à côté de nous mais complètement invisibles. On pourrait parler d’univers parallèles. 

C’est là qu’entre en scène Edward Witten,

Considéré comme l’un des plus grands physiciens du monde. Le digne héritier d’Einstein. Il possède une compréhension des phénomènes mathématiques sous-jacents bien plus approfondie que les autres chercheurs. S’exprimant à la conférence sur la théorie des cordes à l’Université de Californie du Sud en 1995, Witten annonce qu’il a découvert qu’il n’existe pas 5 théories mais une seule, en fait, les 5 théories sont simplement 5 façons de regarder la même chose. Il nomme cette nouvelle théorie, la Théorie M (Magique, Mystère ou Matrice…selon les gouts précise Witten). La théorie des cordes est enfin unifiée.

L’annonce de Witten a conduit à une vague de travaux maintenant connue comme la seconde révolution des cordes. Un nouvel espoir venait de naître. Il existe malgré tout un prix à payer. La première théorie précisait que les cordes semblaient opérer dans un monde qui avait 10 dimensions: Le temps, les trois dimensions spatiales, et 6 dimensions supplémentaires complètement invisibles car minusculement enroulées. On pense que ces dimensions existent car elles sont solutions des équations de la théorie des cordes. Les cordes ne peuvent se déplacer que s’il y a plus de 3 dimensions. Il faut apprendre à vivre avec cette idée. La théorie M impose encore une nouvelle dimension spatiale portant à 11 le nombre de dimensions total. Notre cerveau s’est développé au cœur de 3 dimensions spatiales. Il lui est quasiment impossible de concevoir un univers avec 10 dimensions spatiales. Comment s’en faire une idée malgré tout ?

La solution c’est d’aller au cinéma. Les personnages d’un film nous paraissent évoluer dans un monde à 3 dimensions. Or, en réalité, elles évoluent sur 2 dimensions, celles de la surface de l’écran. Il n’y a pas de profondeur sur un écran, c’est une illusion d’optique. Les dimensions ont un rapport avec les différents axes directionnels dans lesquels on se déplace. On les appelle parfois “degrés de libertés”. Et plus on dispose d’un grand nombre de degrés de liberté plus on peut faire de choses. La dimension supplémentaire introduite par Witten permet à une corde de s’étirer jusqu’à former une sorte de membrane ou “brane” en agrégé. Une membrane peut être tridimensionnelle voir davantage. Et à supposer qu’elle puisse disposer d’une énergie suffisante, elle peut atteindre une taille considérable. Pourquoi pas aussi étendue qu’un Univers,

C’est une révolution dans la théorie des cordes. Elle ouvre une perspective surprenante, notre univers pourrait se trouver sur une membrane, au sein d’un espace de dimension supérieur bien plus étendu. Un peu comme si nous étions à l’intérieur d’une miche de pain. Notre univers pourrait être une tranche de pain, à l’intérieur d’une miche de pain que les physiciens appellent parfois le “Bulck”. Ce Bulck pourrait comporter d’autres tranches, d’autres univers justes à côté du notre. Autrement dit, des univers parallèles.  Nous aurions ainsi de nombreux voisins ! Peut être à l’identique du notre ou totalement plus étranges régis par des lois physiques complètement différentes. Ces univers secondaires évolueraient à l’intérieur des dimensions supplémentaires de la théorie M. Certains prétendent que ces dimensions pourraient être à côté de nous à moins d’un mm de distance. Dans ce cas, pourquoi ne peut-on pas les voir ou les toucher ? Probablement parce que les atomes de notre univers ne peuvent pénétrer dans un univers de dimension supérieur. Ce raisonnement puissant pourrait expliquer et résoudre l’un des plus grands mystères de toute la science moderne : La gravité.

Cette force est en réalité extrêmement faible, elle nous maintien les pieds sur terre et maintien la terre autour du soleil, mais en réalité on surmonte la force gravitationnelle à chaque instant. Un aimant attrape sans effort un trousseau de clés tombé sur le sol. Les aimants véhiculent une force différente, la force électromagnétique qu’on a dans la lumière et dans l’électricité. Cette force est bien plus puissante que la gravité, elle est 10 puissance 39 fois plus puissante ! Cette faiblesse de la force de gravité est enfin expliquée grâce à la théorie des cordes. Sa faiblesse n’est peut-être qu’apparente. Mais nous ne percevons pas sa puissance au sein de notre univers. Elle n’est peut-être pas confinée à notre membrane mais pourrait s’échapper de cette partie de l’univers qui est la nôtre. 

Pendant des années on s’est concentré sur des cordes ayant des boucles fermées tels des élastiques. Depuis l’avènement de la théorie M, d’autres types de cordes ont attirés notre attention. On pense actuellement que tous les éléments que l’on voit autour de nous, comme la matière et la lumière sont constitués de cordes ouvertes dont les extrémités sont rattachées à notre membrane tridimensionnelle. Mais les boucles fermées existent bel et bien et l’une d’elle transmet la force de gravité. C’est ce qu’on appelle un “Graviton”. Ces boucles étant fermées, leurs extrémités ne peuvent se rattacher et les gravitons sont donc libres de s’échapper dans d’autres dimensions. La force de gravité s’en trouve diluée et parait ainsi plus faible que les autres forces de la nature. Une propriété qui laisse entrevoir une possibilité fascinante: Si nous vivons bien sur une membrane et que des univers parallèles existent aussi sur d’autres membranes à coté de nous, peut-être ne pourra-t-on jamais les voir, mais on pourra peut-être un jour arriver à les percevoir à travers la gravité. On pourrait percevoir des ondes gravitationnelles provenant de mondes distincts dans lesquels évolueraient d’autres êtres vivants intelligents.

Une autre théorie en vogue concerne cette fois l’origine du Big Bang. Il s’agirait d’imaginer deux “branes” voisines qui se touchent. L’énergie produite aurait permis le déclenchement que l’expansion que nous voyons et aurait chauffé toutes les particules de l’univers pour produire la matière telle que nous la connaissons. Il est même possible que les univers parallèles soient déjà rentrés en contact plusieurs fois… Créant ainsi plusieurs “Big Bang”…

Si cette théorie est juste, une “brane” se dirige vers nous en ce moment même, il y aura un autre Big Bang, et ce, indéfiniment dans le futur.

Voilà une idée fascinante mais qui malheureusement s’accompagne de quelques problèmes techniques. On ignore en effet ce qui se passe réellement lorsque deux “branes” entrent en collision… Les équations n’ont plus aucun sens. Nous sommes donc loin d’avoir répondu au mystère du Big Bang.

Aux États Unis, il existe un laboratoire dont les recherches sont strictement orientées sur l’existence des cordes et des dimensions complémentaires, il s’agit du FermiLab dans L’Illinois. On y bombarde des atomes d’hydrogène avec de grandes quantité d’électricité, on les dépouille de leurs électrons on injecte les protons dans un tunnel circulaire de 6 Kms enterré, et lorsqu’ils approchent de la vitesse de la lumière, ils sont mis sur la trajectoire de particules circulants en sens opposé. La plupart des collisions n’engendre que des “étincelles” mais par moment il se produit un choc frontal. Il en résulte une pluie de particules subatomiques inhabituelle. Ce qu’on espère c’est trouver une minuscule particule de gravité… Notre fameux graviton ! Pour le moment, aucun gravitons n’est en vue… A Genève, le CERN possède le LHC, un énorme collisionneur de particules, 7 fois plus puissant que celui du FermiLab.  S’il y a une priorité commune en tête de liste de ces deux laboratoires c’est ce qu’on appelle la recherche sur la super symétrie. Il s’agit d’une prédiction centrale de la théorie des cordes qui dit que pour chaque petite particule sur atomique qui nous entoure il y a en correspondance un partenaire bien plus lourd qu’on appelle “super partenaire” que personne n’a jamais pu voir. Et comme la théorie des cordes impose l’existence de ces particules “S”, alors il faut les découvrir. Le problème c’est que ces particules S sont terriblement lourdes, à tel point que les accélérateurs actuelles semblent inefficaces.

Conclusion:

Sans aucune preuve réelle, la théorie des cordes semble tellement logique dans tant d’aspect que bon nombre de chercheurs estime qu’elle est forcément correcte. Il est inconcevable qu’une telle élégance et qu’une telle beauté mathématique soit simplement gâchée.

Il y a un siècle, les scientifiques pensaient avoir compris les lois fondamentales de l’Univers, puis Einstein est venu chambouler notre conception de l’espace et du temps et de la gravité. La mécanique quantique nous a ensuite révélé la structure interne des atomes et des molécules. Dévoilant un monde étrange et incertain. Ainsi, loin de confirmer que l’on méprisait tout, le XX siècle a montré que chaque fois qu’on regarde l’univers de plus prêt on découvre un autre niveau de réalité. A début du XXI siècle, on entrevoit ce que pourrait être le degré suivant. Cordes vibrantes, super partenaires, univers parallèles, et dimensions supplémentaires. C’est une vision à couper le souffle et dans quelques années, des expériences pourront peut-être affirmer si ces idées sont justes ou fausses.

La recherche est en marche, nous explorons, nous obéissons à notre curiosité, nous explorons l’inconnu et dans une centaine ou un million d’années notre vision du cosmos nous paraitra sans doute très incomplète voir un peu désuète. Mais indéniablement, les idées véhiculées par la théorie des cordes attestent bien de la puissance de la créativité humaine. Elles ont déployé tout un nouveau spectre de réponses possibles à des questions séculaires, et avec ces concepts nous savons fait un grand bond en avant dans la compréhension que nous avions jusqu’ici de cet Univers élégant.

 

Comprendre la relativité générale !

On connaît tous Albert Einstein et sa théorie de la relativité générale. Mais sait-on de quoi elle parle et ce qu’elle a apporté au monde ? Je vous propose de comprendre, en 5 points accessibles à tous, de quoi il retourne.

1- Avant Einstein

Avant qu’Einstein ne présente au monde la relativité restreinte, en 1905, et la relativité générale dix ans plus tard, l’univers était simple : dans une boîte, l’espace est immuable, le temps s’écoule est reste le même pour tous.

A l’intérieur on trouve de la matière, sur laquelle agissent des forces – la gravité, par exemple. Ces quatre concepts sont vus comme indépendants. « L’apport d’Einstein, c’est de dire qu’ils doivent être unifiés “.

2- L’apparition d’E = MC²

Ironiquement, la théorie reine d’Einstein ne correspond pas à son équation la plus connue : la fameuse formule E = mc² apparaît dix ans plus tôt, avec la relativité restreinte. Avec elle, matière et force sont vues comme identiques : E = mc², ça veut dire que l’énergie peut se transformer en matière et vice-versa. Comme dans les centrales nucléaires où de la matière disparaît pour créer de l’énergie, ou dans les accélérateurs de particules où l’énergie crée de la matière nouvelle.

De la même manière, l’espace et le temps deviennent l’espace-temps à 4 dimensions et Einstein établit qu’il n’y a pas un temps unique. « Il comprend que si vous avez deux horloges identiques, que l’une part en voyage puis revient près de sa sœur, les deux ne marqueront plus le même temps ».

« Dès 1905, Einstein change beaucoup de choses d’un point de vue physique et philosophique. Mais il ne s’intéressait pas encore à la gravitation. Ce qui l’y a amené, c’est le fait que la gravité de Newton était basée sur un temps universel. Donc elle était incompatible avec la relativité restreinte, il fallait changer ça.” (voir article ici)

3- Le principe d’équivalence

Le chemin d’Einstein vers la relativité générale est encore long.

Pour y arriver il s’appuie sur une idée fondatrice : le principe d’équivalence. Pour l’expliquer, prenons deux hommes : A est dans une grande boîte placée sur Terre, B dans une boîte identique placée dans l’espace. B est en apesanteur, il flotte. Mais si sa boîte subit une intense accélération, il aura les deux pieds posés au sol, de la même façon qu’on est collé à notre siège dans une voiture qui accélère soudainement. Impossible pour A et B de savoir qui est immobile sur Terre et qui accélère dans l’espace. De cette observation, Einstein édicte cette loi : la gravitation est équivalente à l’accélération.

(voir article ici)

Maintenant, imaginons que B, dans sa boîte qui accélère, braque une lampe-torche contre le mur.

L’intense accélération crée un décalage entre la lampe et l’endroit où les particules de lumière rencontreront le mur. Comme si, plutôt que de filer tout droit, la lumière se courbait. Selon le nouveau principe d’Einstein, si l’accélération courbe la lumière, la gravitation doit le faire aussi. Or la gravitation -une masse qui en attire une autre- n’est pas censée agir sur la lumière, qui est justement dépourvue de masse. Comment un objet massif peut-il donc courber la lumière ? Einstein mettra des années à le comprendre et l’expliquera en 1915 : en fait ce n’est pas le trajet de la lumière dans l’espace qui est courbé, mais l’espace lui-même !

4- La relativité générale et ce qu’elle permet

Avec la relativité générale, dire que la Terre tourne autour du Soleil devient incorrect. En fait, la Terre va tout droit dans l’espace-temps, mais c’est l’espace-temps lui-même qui, déformé par cette masse importante qu’est le Soleil, est courbé. « Avant 1915, l’espace et le temps étaient rigides, indépendants du contenu. La théorie d’Einstein peut être résumée ainsi : le contenu change le contenant. »

Dans la vie de tous les jours, la relativité générale a une application très utile : le système GPS. « Les satellites GPS, ce sont des horloges situées à des milliers de kilomètres de haut et en mouvement. Ils ne marquent donc pas le même temps qu’une horloge restée sur Terre. La différence est toute petite, mais plus grande que la stabilité du GPS. Si on ne met pas dans son logiciel la théorie de la relativité générale, en une minute et demie vous rentrez dans le mur », car un décalage apparaîtrait entre vous et le satellite, qui n’arriverait plus à bien vous localiser. Mais c’est dans l’astronomie et la cosmologie qu’elle a connu le plus de succès, en permettant de décrire l’expansion de l’univers ou les trous noirs.

5- Au-delà d’Einstein

La relativité générale est-elle infaillible ?

Jusqu’ici, oui. « Aujourd’hui, on peut faire des expériences un million de fois plus précises qu’il y a cent ans. Et même avec cette finesse, l’équation s’est toujours vérifiée. Pour l’instant, la théorie d’Einstein est un triomphe. » A quelques petites fausses notes près. Deux observations, liées aux supernovæ et au rayonnement de fond cosmique, ne sont compatibles avec la relativité générale qu’à une condition : « On est obligé d’introduire deux composantes : la matière noire et l’énergie noire, inventions théoriques visant à expliquer ce qu’on a observé ». En gros, plutôt que de revoir la théorie pour qu’elle colle à la réalité, on ajoute un twist à la réalité pour qu’elle colle à la théorie.

Autre souci : la théorie de la gravitation et la mécanique quantique, incompatibles, restent à réconcilier en une théorie unique (cela fera l’objet d’un article à paraître prochainement).

Comme Newton avant lui, Einstein paraît aujourd’hui indépassable, mais sera sans nul doute un jour surpassé.

Chute des corps, l’expérience ultime

PLUME OU PLOMB.

Mystérieuse chute des corps !

Cela fait plus de quatre siècles que les esprits les plus vifs répètent une expérience simplissime et trouvent toujours le même résultat. Elle consiste à laisser tomber – sans vitesse initiale – des objets variés, puis en négligeant la résistance de l’air, mesurer le temps mis par une armoire et une bille, par exemple, pour toucher le sol.

Invariablement les deux objets arrivent en même temps!

Si les physiciens s’acharnent c’est parce qu’ils estiment que la signification profonde de ce résultat leur échappe encore. Le 22 avril 2016, le Centre national d’études spatiales (Cnes) a tenté un ultime essai : pour un coût de 130 millions d’euros, la mission Microscope (Microsatellite à traînée compensée pour l’observation du principe d’équivalence) a testé la chute des corps deux ans d’affilée dans l’espace à 700 km d’altitude. “Et cette fois-ci nous espérons une surprise”, précisait Thibault Damour, physicien à l’Institut des hautes études scientifiques (IHES) de Bures-sur-Yvette (Essonne).

Gravité VS Inertie

Ce résultat, confirmé des milliers de fois, défie le bon sens. Pour comprendre, analysons les forces en jeu.

D’abord la gravité : puisque la Terre attire bien plus fortement un objet massif, celui-ci devrait s’écraser en premier. Aucune faille dans cet argument : la loi de gravitation de Newton stipule que les objets s’attirent d’autant plus fortement qu’ils sont massifs et proches l’un de l’autre. Mais il faut continuer le raisonnement, car intervient aussi la force d’inertie : plus un objet est massif, plus il résiste à la mise en mouvement. Or cette force d’inertie qui s’oppose à tout changement dépend également de la masse. Pour faire bouger une armoire normande, il faut déployer une force colossale tandis qu’une pichenette suffit à faire rouler une bille. Cette fois-ci, la masse joue un autre rôle puisqu’elle résiste au mouvement. Or, la bille de 10 g et l’armoire de 50 kg – soit 5000 fois plus – subissent chacune deux forces : la gravité entraîne l’armoire en direction de la Terre cinq mille fois plus intensément qu’elle n’entraîne la bille, mais en même temps la force d’inertie retient l’armoire cinq mille fois plus que la bille. Résultat : pour chaque objet, les deux effets se compensent, et bille et armoire touchent le sol en même temps ! Encore faut-il que la masse inertielle, qui s’oppose au mouvement, soit strictement la même que la masse gravitationnelle, qui attire l’objet vers la Terre. C’est l’énoncé même du sacro-saint principe d’équivalence entre masses gravitationnelle et inertielle.

Cette expérience simplissime a donné du fil à retordre aux géants de la physique : Galilée, Newton et Einstein s’y sont frottés, chacun cherchant à comprendre le résultat avec la science de son temps.

Vers 1600 Galilée aurait mené l’expérience le premier depuis le haut de la tour de Pise.

PRÉCISION. La légende raconte que Galilée étudiait la chute des corps depuis le haut de la tour de Pise et avait remarqué que le résultat était en totale contradiction avec la physique d’Aristote encore utilisée à son époque, qui stipulait que les objets les plus lourds touchaient le sol les premiers. Sans comprendre la raison de cette contradiction, Galilée a de fait conclu que la chute des corps était une loi universelle à laquelle tous les objets devaient se soumettre. C’est Newton – quelques décennies plus tard – qui a éclairé la condition de cette universalité : il fallait que la masse intervenant dans la gravitation soit exactement celle qui s’impose dans la force d’inertie pour que plume et plomb touchent le sol simultanément. Puis Einstein s’en est emparé pour repenser la nature même de l’espace : la gravitation serait uniquement la manifestation des propriétés de l’espace-temps qui n’est plus rigide comme l’avait supposé la physique classique mais façonné par les masses des astres… Ainsi toute la physique jusqu’à aujourd’hui est fondée sur cette équivalence entre masse inertielle et masse gravitationnelle qui, pour l’instant, n’a jamais été prise en défaut.

1971

Au cours de la mission Apollo 15, David Scott refait l’expérience sur la Lune avec une plume et un marteau : “Galilée avait raison”, s’écrie-t-il

Or, pour les physiciens il n’y a aucune raison qui la justifie. “Nous savons seulement qu’il est très important qu’il en soit ainsi, explique Thibault Damour. S’il en était autrement, le système solaire n’aurait pas la même stabilité et nous ne serions pas là pour en parler. Mais toute la question est de savoir le degré de cet “ajustement”. Aux échelles explorées jusque-là, le principe d’équivalence est vérifié.”

Une mesure au millionième de milliardième près

Avec la mission Microscope, c’est une précision inégalée qui est visée pour l’expérience de la chute des corps : au millionième de milliardième près, soit 10-15. “C’est cent fois mieux que tout ce que nous savons faire sur Terre”, précise Gilles Métris, de l’observatoire de la Côte d’Azur.

La précision de l’expérience Microsope est sidérante. C’est comme si, sur Terre, on était capable de déterminer si une mouche drosophile de 0,5 milligrammes était ou non posée sur le pont d’un supertanker de 400 mètres de long et de 500.000 tonnes ! C’est ce que chiffraient les chercheurs de l’Onera durant une conférence de presse le 12 avril 2016, pour présenter l’instrument de mesure T-Sage, qu’ils ont conçu et réalisé, embarqué à bord de Microscope. 

Et c’est précisément à ce degré de finesse que plume, plomb, armoire, tasse et tout le reste devraient nous surprendre. “Nous nous demandons en particulier si la nature de l’objet intervient, autrement dit est-ce que sa composition chimique joue un rôle dans le principe d’équivalence ? reprend Gilles Métris. Dans ce cas, un corps en titane ne devrait pas chuter exactement de la même manière qu’un autre en platine.” Cet infime écart raconterait quelque chose d’inédit sur la nature profonde du monde et laisserait entrevoir une nouvelle physique au-delà de la théorie d’Einstein (voir encadré en bas d’article).

Deux cylindres pour tester le principe d’équivalence

Pour relever ce défi, l’instrument principal de Microscope est composé de deux paires de cylindres emboîtés : la première paire est en platine, tandis que dans la seconde, le cylindre extérieur est en titane. “Or, dans l’espace, en l’absence de toute résistance de l’air, les deux masses de chaque paire devraient chuter exactement de la même manière, et donc rester immobiles l’une par rapport à l’autre pour respecter le principe d’équivalence”, ajoute le chercheur.

La première paire joue le rôle de témoin, tandis que les deux cylindres de la seconde paire devraient coulisser l’un dans l’autre si la composition chimique de l’objet joue un rôle dans la chute des corps. Dans ce cas, le principe d’équivalence serait alors violé.

La nature du matériau – titane (à gauche) ou platine (à droite)- intervient-elle dans la chute des corps ? Les deux paires de cylindres emboîtés et coulissants devraient chuter de la même façon.

Le cœur du dispositif qui devrait déceler cet infime déplacement est l’accéléromètre ultrasensible fabriqué à l’Onera, le Centre français de recherche aérospatiale. “Il est capable de mesurer une accélération de 8 x 10-15m/s2, précise Pierre Touboul, de l’Onera. Une valeur extrêmement faible : en donnant une telle accélération, il faudrait 100 millions d’années à une voiture pour atteindre 90 km/h.” L’ensemble devrait durer au maximum deux ans. Voir un objet figé “chuter” pendant plusieurs mois contre quelques secondes à peine sur Terre, devrait révéler l’intimité du monde.

2016

Le 22 avril, la mission Microscope va tester à une précision d’un millionième de milliardième l’universalité de la chute libre.

Et si le principe d’équivalence est violé ?

Si au bout de deux ans, la “surprise” tant attendue est au rendez-vous, — c’est-à-dire si le principe d’équivalence se trouve violé à bord de la mission Microscope —, les théoriciens seront comblés : ils sauront que la gravitation est plus complexe que ce qu’Einstein avait supposé. Ils pourront y voir l’effet du “dilaton” une particule hypothétique envisagée par Thibault Damour, de l’IHES, et ses collègues (Alexandre Polyakov de l’université de Princeton, Federico Piazza de l’université d’Aix-Marseille et Gabriele Veneziano du Cern et du Collège de France). Commençons donc par son portrait-robot : si les physiciens ne l’ont pas encore observé c’est parce que “son effet diminue au cours de l’évolution du cosmos. Lorsque l’Univers était âgé de quelques fractions de seconde, son effet sur la matière était aussi intense que celui de la gravitation einsteinienne, mais, ensuite, son couplage à la matière aurait diminué jusqu’à devenir extrêmement faible aujourd’hui“, précise Thibault Damour. Or les calculs théoriques de l’équipe suggèrent que ce dilaton “affaibli” pourrait introduire des violations du principe d’équivalence qui seraient détectables par Microscope : “l’effet du dilaton est de rajouter à la gravitation usuelle une force qui se couple à l’énergie électrique des noyaux atomiques, et qui serait ainsi sensible à l’élément chimique constituant l’objet”. Résultat : des noyaux d’éléments chimiques différents ne chuteraient pas de la même manière. Le principe d’équivalence serait alors violé. Mais le plus important : en montrant le bout de son nez, le dilaton devient prédictif ! Il ferait pencher la balance en faveur de la “théorie des cordes“. Pour comprendre, précisons qu’aujourd’hui, la physique est dans l’impasse. Elle repose sur deux piliers inconciliables : la relativité générale de l’infiniment grand et la physique quantique de l’infiniment petit. Pour les réconcilier, les physiciens sont à la recherche de la “gravité quantique”, une théorie de la gravité valable aussi bien à l’échelle astronomique que subatomique. Et, parmi les différents développements de la gravité quantique, seule la théorie des cordes prédit naturellement la possibilité d’une violation du principe d’équivalence, par un mécanisme faisant intervenir… le dilaton. Sa découverte constituerait même la première indication expérimentale de la validité de la théorie des cordes !

Un sacré défi.

Que deviennent les photons lorsqu’on éteint la lumière ?

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Il est une heure du matin, je suis allongé tranquillement dans mon lit et après avoir regardé quelques émissions sur ma tablette je décide de tout éteindre. C’est alors que sans raison, je me suis posé la question de savoir ce que devenaient les photons émis une fois la lumière disparue.

Quelle idée au beau milieu de la nuit allez-vous me dire et vous n’auriez pas tord.

Néanmoins je n’ai pu m’empêcher de réfléchir, et c’est quelques heures plus tard que je terminais l’article que vous avez sous les yeux.

La lumière est quelque chose qui nous entoure en permanence. Mais que deviennent ces particules magiques, ces petits paquets d’énergie que l’on appelle “photons” ? Une fois la lumière éteinte, les photons ne sont plus émis par l’ampoule, c’est un fait indiscutable. Néanmoins, ceux émis juste avant d’éteindre et qui se déplacent à 300 000 Kms/s dans l’espace deviennent bien quelque chose, ils ne s’annihilent pas par magie.

Lorsque des grains de lumière rencontrent un objet de la pièce dans laquelle on se trouve, une partie d’entre eux le traverse, une autre rebondit dessus, on dit qu’elle est réfléchie et une troisième est absorbée par la matière.

 

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L’intensité de chacun de ces trois phénomènes dépend de la nature des matériaux rencontrés. Le verre par exemple (ou l’ensemble des corps transparents) est traversé par les photons. Mais attention, cette propriété dépend de la longueur d’onde du rayonnement. Par exemple, le verre est transparent à la lumière du jour (on parle de spectre visible) mais totalement opaque aux rayonnements infrarouges. La majorité des liquides et des solides sont quant à eux opaques à la lumière. Ils ne font qu’absorber et réfléchir la lumière. Ainsi, le béton absorbe 60% de la lumière, les 40% restant étant réfléchis. Dans le cas des murs peints d’une pièce, leur couleur détermine le % de lumière absorbée, 20% pour le blanc, 50% pour le bleu et 90% pour le violet.

Lors de la réflexion, les photons ne traversent pas l’objet, ils rebondissent sur lui. L’énergie du photon est alors en partie absorbée et convertie en énergie thermique.

Imaginons la chambre dans laquelle je suis allongé et disons qu’elle est hermétiquement close et plongée dans le noir le plus complet. Lorsque j’allume la lumière une fraction de seconde, l’énergie produite sous forme de photons va être absorbée par les parois de la chambre en partie et réfléchie sous forme de rayonnement thermique pour une autre partie. les parois émettent donc d’autres photons d’énergie moindre et de longueur d’onde différente. Ils existeront dans le domaine de l’infrarouge (vois schéma ci-dessous).

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En finale, au cœur de la chambre, puisqu’on ne peut pas absorber en totalité les photons émis (car l’absorption s’accompagne toujours d’une émission) la quantité de photons émis dans le visible devient totalement négligeable sans être jamais nulle.

Modéliser le devenir des photons dans une pièce quelconque est donc presque impossible.

En résumé, retenez que la lumière émise puis éteinte émet encore une forme de lumière mais dans un temps extrêmement court et sous une autre forme de rayonnement : l’Infrarouge.