Archive pour la catégorie ‘Mathématiques’

Les très grands nombres

Hier encore, pour les 25 ans de Steven, mon plus jeune fils, nous avons eu une discussion concernant les grands nombres, sujet que l’on aborde généralement en CM1 et de façon assez superficielle avouons-le.

L’exemple qu’il me donnait était la façon d’obtenir un et un seul arrangement de 52 cartes. La probabilité d’obtenir un arrangement donné étant de 1/52! En fait, cela correspond au nombre de permutations possible avec un jeu de cartes de 52, donc c’est juste le nombre de possibilités.

Je rappelle que 52! (on dit factoriel 52)= 52 x 51 x 50 x 49 x…x 1 = 8,065817517094389 e 67, soit un nombre à 68 chiffres ! Même si l’humanité toute entière mélangeait des cartes depuis 10 000 ans chaque seconde, on serait encore à un nombre minuscule en comparaison.. Trouver un tel arrangement serait donc impossible physiquement, mais possible mathématiquement.

Pour l’impossibilité dans les probabilités c’est un long débat, mais on peut affirmer qu’on rentre dans le domaine de l’impossible lorsque l’on dépasse une certaine probabilité, pour 1/100000000000000000000000000000000000000000.

Il est beaucoup plus sage de dire qu’il est impossible que juste dire “très peu probable”.

D’ailleurs, la notion d’impossible change d’un domaine à l’autre, la probabilité impossible en Biologie n’est pas la même qu’en physiologie, etc.

Pour l’imager, il me donnait la représentation mentale d’un homme parcourant le tour de la terre à pieds (circonférence de la terre 40 075 Kms), chaque pas (environ 75 cms) effectué ayant une durée d’ 1 milliard d’années. Cet homme a pour objectif de vider les océans avec une petite cuillère remplie d’eau et une seule pour chaque rotation… On imagine avec difficulté le temps que cela prendrait et c’est la raison pour laquelle je lui faisais remarquer que même si le résultat mathématique était juste, sa représentation mentale restait totalement inabordable pour le commun des mortels que nous sommes.

Aussi ai-je décidé de prendre quelques instants pour redéfinir simplement (si c’est possible) ce qu’on appelle en mathématiques “les grands nombres”.

Avec des -ions et des -iards

Quand on parle d’une quantité colossale, on utilise généralement les mots « million » ou « milliard » qui représentent respectivement les nombres 1 000 000 et 1 000 000 000. Pourtant ces nombres sont encore insignifiants comparés à ceux qui vont suivre.

Si nous prenons un million de milliards nous obtenons un billiard. Par exemple, la distance qui nous sépare du centre de notre galaxie est de 256 billiards de kilomètres.
Ce qui n’est pas très grand, si on la compare à la distance qui nous sépare de la Grande Ourse, environ 18 trilliards de kilomètres soit 18 mille milliards de milliards de kilomètres. Vous comprenez pourquoi les astrophysicien préfère évaluer les distances de l’univers en “années lumière” qui correspond à la distance parcourue par la lumière en une année sachant qu’elle parcourt 300 000 Kms en 1 seconde…

Et ce n’est rien ; nous n’en sommes qu’à des nombres de l’ordre d’un 1 suivi de 22 zéros. Il y a plus grand, beaucoup plus grand.
En voici la liste :

Million (1suivi de 6 zéros)

Milliard (1suivi de 9 zéros)

Billion (1suivi de 12 zéros)

Billiard (1 suivi de 15 zéros)

Trillion (1 suivi de 18 zéros)

Quatrillion (1 suivi de 24 zéros)

Quintillion (1 suivi de 30 zéros)

Sextillion (1 suivi de 36 zéros)

Septillion (1 suivi de 42 zéros)

Octillion (1 suivi de 48 zéros)

Nonillion (1 suivi de 54 zéros)

Décillion (1 suivi de 60 zéros)

Undécillion (1 suivi de 66 zéros)

Duodécillion (1 suivi de 72 zéros)

Tredécillion (1 suivi de 78 zéros)

Quattuordécillion (1 suivi de 84 zéros)

Quindécillion (1 suivi de 90 zéros)

Sexdécillion (1 suivi de 96 zéros)

Septendécillion (1 suivi de 102 zéros)

Octodécillion (1 suivi de 108 zéros)

Novemdécillion (1 suivi de 114 zéros)

Vigintillion (1 suivi de 120 zéros)

Centillion (1 suivi de 600 zéros)

Googol et Googolplex

 

Dans les années 40, Edward Kasner (USA) publie un livre «Mathematics and the Imagination» dans lequel apparaît le mot Googol. Ce mot ne serait pas inventé par Kasner mais il l’aurait repris de son neveu âgé à l’époque de 9 ans. Et oui ! GOOGLE votre moteur de recherches préféré tire son nom de ce nombre !
Le Googol est un 1 suivi de 100 zéros. Jusque là, rien d’exceptionnel puisqu’un Septendécillion est plus grand.

C’est le Googolplex qui nous intéresse : un 1 suivi de Googol zéros, pour être plus explicite :
un 1 suivi de 10 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 zéros !!!

En supposant qu’on écrive sans interruption 3 chiffres par seconde, il nous faudrait environ 100 Quindécillions d’années pour retranscrire intégralement ce nombre, soit 100 milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards d’années !!! Même si l’espérance de vie est en augmentation, il ne faut pas rêver ! En fait, aucune quantité physique ne peut atteindre ce nombre, autrement dit : il ne sert à rien ! et c’est bien là le paradoxe des grands nombres. Ils n’ont aucune réalité physique dans notre monde des humains. 
D’autant plus qu’aujourd’hui les grands nombres se notent en écriture scientifique à l’aide de puissances de 10 qui suffisent amplement aux scientifiques !

La notation de Steinhaus

Mais la folie des grands nombres n’en est qu’à ses prémices. En 1963, un mathématicien polonais, Władysław Hugo Dionizy Steinhaus, invente une notation en cascade :
a dans un triangle pour aa, a dans un carré pour a dans a triangles et a dans un cercle pour a dans a carrés. Cela donne par exemple :


Pour imaginer les nombres gigantesques que la notation de Steinhaus permet de construire, il suffit d’essayer de comprendre le nombre 2 dans un cercle :

On voit qu’il n’est pas raisonnable de tenter de retrouver une écriture décimale de ce nombre. C’est pourtant l’un des plus petits de cette famille. Imaginez ce que représente par exemple un 100 dans un cercle !

De la notation de Knuth au nombre de Graham

En 1976, un informaticien américain inventeur du langage TeX, Donald Knuth, propose une notation par étages à base de flèches.
a↑b = ab
a↑↑b = a↑a↑…↑a (b fois)
a↑↑↑b = a↑↑a↑↑…↑↑a (b fois)
Et ainsi de suite…
Par exemple :
2↑↑3=2↑2↑2 = 2↑22 = 222 = 4194304
3↑↑↑3 = 3↑↑3↑↑3 = 3↑↑(3↑3↑3) = 3↑↑(327) = 3↑↑7 625 597 484 987 = 3↑3↑…↑3 (7 625 597 484 987 fois) = 333333. . . . en élevant à la puissance 3, rien que 7 625 597 484 987 fois !

Le mathématicien anglais John Horton Conway poursuit le délire de Knuth en généralisant sa notation avec un nouveau paramètre :
a→b→c = a↑…↑b avec c flèches entre a et b
Ainsi par exemple :
2→3→4 = 2↑↑↑↑3
On imagine bien les nombres extraordinairement grands qu’il est possible de noter de façon très réduite.

Quant au nombre de Graham, du mathématicien américain Ronald Graham, il dépasse les frontières de l’imagination… si ce n’est pas déjà fait !
Le nombre de Graham est le 65e terme de la suite :
u0 = 4
u1 = 3→3→u0
u2 = 3→3→u1

On en connait tout de même ses dix derniers chiffres : …2464195387


Ronald Graham

Finissons ce petit article par un nombre plus modeste mais au joli nom d’Asankhyeya (1 suivi de 140 zéros) dont les origines sont bouddhiques et qui était supposé être le plus grand.

 

Voici quelques liens sur le sujet :

  • NOMBRES – Curiosités, théorie et usages où l’on retrouve tous ces grands nombres accompagnés d’exemples et un prolongement vers les notations de Knuth et Conway qui dépassent les frontières de l’imagination.
  • miakinen.net définitions, écritures et un peu d’histoire.

Le langage mathématique.

« En mathématiques, plus par plus font plus, alors que le mot oui multiplié par deux équivaut toujours à une négation. »

L’écrivaine Amélie Nothomb (romancière belge d’expression française, née en 1966) résume bien en cette phrase la logique des mathématiques dans son rapport à la langue.

Comment peut-on parler des sciences ? En quelle langue ?

Les mathématiques, elles-mêmes, ne sont-elles pas également une forme de langage universel ?

La langue des sciences         

Revenons plusieurs siècles en arrière, vers le VIIe siècle av. J-C., au moment où les grandes cultures antiques s’ouvraient aux connaissances et où les sciences se développaient. La science « s’exprimait » alors en langue grecque et était intimement liée à la philosophie. Elle réunissait bon nombre de disciplines comme les mathématiques, la chimie, la physique, la biologie, la mécanique, l’optique, la pharmacie, l’astronomie, l’économie, l’archéologie, la sociologie…

Étymologiquement, le mot « science » vient d’ailleurs du latin « scientia », qui signifie « connaissance », lui-même issu du verbe « scire » (« savoir »), qui désigne à l’origine la faculté mentale propre à la connaissance.

Outre le latin, une langue très importante dans le monde des sciences, mais surtout des mathématiques est bien l’arabe. C’est grâce d’ailleurs à leurs traducteurs que l’on peut, dès le XIIIe siècle, redécouvrir les auteurs grecs anciens, traduits de l’arabe vers le latin.

Après la Renaissance et le début de la désuétude de la langue latine, les langues communes commencent à prendre le pas dans le domaine des sciences, sans pour autant les multiplier à l’infini : bien que les lettrés européens étaient tous, plus ou moins à cette époque, polyglottes, il ne s’agissait pas d’entraver la circulation des idées par le biais d’obstacles linguistiques.

Au XIXe siècle, la science parlait donc anglais, allemand, français et italien. Un siècle plus tard, l’allemand dominait la physique et la chimie (notamment avec les travaux d’Albert Einstein) alors que les mathématiques devenaient majoritairement francophones. Dans la moitié du XXe siècle, au cours des deux guerres mondiales, les principaux protagonistes (la France et l’Allemagne) ont vu leur suprématie dans ce domaine relayée au second plan, en faveur des États-Unis qui ont donc pu imposer la langue anglaise comme dominante en sciences aussi bien que dans la culture mondiale.

Le russe et le japonais, ainsi que le suédois ont eu quelques moments de gloire, mais ont été rapidement évincés, là aussi, en faveur de la langue internationale : l’anglais, qui subsiste, de nos jours encore, la première langue dans le domaine scientifique.

Les mathématiques, une langue vivante comme les autres ?

Que faut-il pour être une langue ? Avoir une grammaire et des symboles, mais aussi être en constante évolution dans ses concepts et ses règles. En ce sens, les mathématiques apparaissent bien comme une forme de langue. Il convient toutefois de nuancer ce propos.

Le terme « d’écriture » mathématique semblerait plus juste que celui de « langage » du fait que celle-ci est quasiment exclusivement de forme écrite (il n’y a pas de forme mathématique orale) : contrairement aux langues traditionnelles qui n’ont pas forcément besoin d’être retranscrites pour être comprises, parler suffit, les mathématiques doivent être sous forme scripturale et pas verbale. Essayez d’écouter quelqu’un faire sa démonstration mathématique jusqu’au bout et vous verrez que c’est bien plus simple à lire qu’à entendre !.

La « grammaire » des mathématiques est assez minimaliste : ici, pas de sujet (dans une démonstration, le « je » est hors-sujet), mais plutôt une objectivisation : on manipule des objets, des formes, des figures, des concepts, des formules où tout sentiment personnel est annihilé. Aucune émotion ni subjectivité ne subsiste et où le seul temps dominant est celui du présent, qui représente la vérité intemporelle : le passé et le futur sont inexistants.

Le lexique et le vocabulaire propre aux mathématiques est sans aucune ambiguïté. Si en français, par exemple – ou même dans n’importe quelle autre langue, on raffole des sens multiples à un mot, en langage mathématique, impossible d’être approximatif : précision et exactitude sont les maîtres-mots.

En effet, souvenez-vous des Exercices de style (1947) de l’écrivain français Raymond Queneau qui racontait, de 99 façons différentes exactement la même histoire… maintenant, essayez de raconter de plusieurs manières différentes le théorème de Pythagore… impossible ! Les mathématiques sont une science exacte, la logique est là, avec un vocabulaire spécifique et adapté de façon unique et exclusive.

Finalement

Tour à tour grecques, latines, arabes, allemandes, italiennes, françaises puis anglaises, les sciences, et plus particulièrement les mathématiques ont pu expérimenter bon nombre de langues pour exprimer ses cncepts au fil du temps.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les mathématiques, par leur rigueur, logique, objectivité et insensibilité peuvent néanmoins prétendre difficilement au titre de langue vivante à part entière. Certes, elles présentent plusieurs critères qui pourraient les laisser s’y assimiler, mais leur manque de personnalisation sensitive et leur rigueur de la précision crée un vide émotionnel qui manque alors à la vivacité d’une langue, car après tout, n’est-ce pas l’ambiguïté et la diversité qui font d’une langue toute sa beauté, sa poésie et sa souplesse?

 

Sources

La science, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Science

Les maths sont-elles un langage ? http://webinet.cafe-sciences.org/articles/les-maths-sont-elles-un-langage/

La langue de chez nous, http://images.math.cnrs.fr/La-langue-de-chez-nous.html

Épreuves de mathématiques et physique-chimie du Bac.

Année 2018

Mathématiques : sujet Bac maths 2018

Physique-chimie : sujet Bac 2018 physique-chimie

Mathématiques : corrigé du 23/06/2018

Physique-chimie : corrigé du 23/06/2018

Le nombre d’or !

Introduction :

Nombre d’or, Section dorée, Divine proportion et autres appellations mystiques… sont des dénominations qui désignent un rapport arithmétique : le nombre d’or.

L’objectif de cet article n’est pas de redonner de quelconque lettres de noblesse à ce nombre, mais d’apporter quelques informations au lecteur. Cet article s’adresse à toute sorte de lecteurs : Du néophyte qui récupérera ce qui l’intéresse au plus calé en mathématiques.

Le nombre d’or n’est ni une mesure, ni une dimension, c’est simplement un rapport entre deux grandeurs homogènes.

Jean-Paul Delahaye, mathématicien à l’université de Lille, affirme (pour la Science Août 1999) que le chemin des mathématiques à la numérologie est dangereux parce que riche en interprétations…  En effet des milliers de pages ont été écrites sur le nombre d’or, baptisé Φ. On le désigne par la lettre grecque ( phi ) en hommage au sculpteur grec Phidias (né vers 490 et mort vers 430 avant J.C) qui décora le Parthénon à Athènes et c’est Théodore Cook qui introduisit cette notation en 1914. 

Il serait connu depuis la nuit des temps. On le retrouve chez les peintres du début du siècle, dans les cathédrales gothiques, sur les façades des temples grecs et même au cœur de la Grande Pyramide. On dit qu’il aurait même été transmis de bouche de pythagoriciens à oreilles d’initiés, comme un secret universel et immuable (il n’était pas considéré comme un nombre puisque seuls les entiers sont des nombres chez les grecs).

Que peuvent bien avoir en commun des phénomènes naturels aussi différents que l’agencement des graines d’une fleur de tournesol, l’élégante spirale dessinée par la coquille de certains mollusques et les bras de la Voie lactée, la galaxie qui nous accueille ? Quelle règle géométrique d’une inégalable harmonie se cache dans l’œuvre de grands artistes et architectes, de Vitruve à Le Corbusier en passant par de Vinci et Salvador Dali ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, la réponse à ces deux questions est un simple nombre. Un nombre d’une humble apparence, qui apparaît continûment dans toutes les représentations naturelles et artistiques. Reproduire ce nombre à l’écrit est littéralement impossible, non pas parce qu’il est excessivement grand (il est à peine supérieur à 1) mais parce qu’il est composé d’un nombre infini de décimales, qui de surcroît ne suivent aucune règle.

Le nombre d’or est une proportion, définie initialement en géométrie comme l’unique rapport a/b entre deux longueurs a et b telles que le rapport de la somme a + b des deux longueurs sur la plus grande (a) soit égal à celui de la plus grande (a) sur la plus petite (b) c’est-à-dire lorsque :

Ainsi si a et b sont les deux grandeurs alors nous aurons :
\frac{a+b}a=\frac ab.

 

alors, a/b = 1 + b/a
pour simplifier, prenons comme variable x = a/b.
alors nous obtenons :
x = 1 + 1/x
x – 1 – 1/x = 0
comme x est non nul, nous obtenons l’équation suivante que nous noterons
(E) :       x2 – x – 1 = 0
qui admet comme racine positive :
x = que nous notons Φ soit approximativement : 1,618 033 988 749 894 848 204 586 834 365 638 117 720 309 179 805 762 862 135 448 622 705 260 462 189 024 497 072 072 041…

Ce nombre fait partie de la famille des nombres irrationnels (que l’on ne peut pas écrire sous une forme fractionnaire).

Démonstration :

Pour le démontrer, je raisonner par l’absurde et je vais supposer que φ est rationnel, donc on peut écrire φ = a/b avec a et b premiers entre eux, et on devrait arriver à une contradiction.

Posons c = 2ab ; on vérifie que le plus grand commun diviseur de c et b est 1 ou 2. Si (√5+1)/2 = a.b, alors √5 = (2ab)/b = cb, c’est-à-dire 5b² = c² (1).

Il en résulte que c² est divisible par 5. Par suite (attention, c’est le point-clé de la démonstration !), c est divisible par 5 (de sorte que c² est en fait divisible par 25). Il existe donc un entier f tel que c = 5f ; on peut re-écrire (1) sous la forme 5b² = 25f², de sorte que b² = 5f² (2).

En répétant le même raisonnement, on voit qu’il existe un entier g tel que b = 5g.

En comparant les égalités c = 5f, b = 5g avec l’hypothèse impliquant que b et c n’ont pas de diviseur commun autre que 1 ou 2, on voit bien qu’il y a une contradiction ; c’est donc l’hypothèse de l’existence d’une paire a,b avec φ = a/b qui est absurde.

A première vue la « divine proportion » ne paraît pas trop impressionnante. À la vue de la racine de 5, un œil entraîné saurait qu’il y a anguille sous roche. En effet, cette racine présente une série de propriétés qui lui valurent le qualificatif peu aimable de nombre « irrationnel » – une classe spéciale de nombres dont nous aurons l’occasion de reparler plus précisément.

Nombre d’or et géométrie:

À la recherche du caractère divin du nombre d’or, nous pouvons tenter de l’approcher par une autre voie : celle de la géométrie.

On appelle division en moyenne et extrême raison la division d’un segment AB par un point intérieur P tel que AB/AP = AP/PB.

nbor2

On dit encore que P est la section dorée du segment AB. Le découpage d’un segment en deux longueurs vérifiant cette propriété est appelé par Euclide découpage en « extrême et moyenne raison ».

Remarquons aussi que AP est la moyenne géométrique de AB et de PB. On peut vérifier que cette condition impose que les rapports AB/AP et AP/PB soient égaux au nombre d’or.

On dit souvent que pour l’œil, la division en moyenne et extrême raison est la plus agréable. Ceci rend le nombre d’or très important en architecture.

Autre exemple :

Il nous faut pour cela dessiner un rectangle dont la mesure du grand côté vaut celle du petit multipliée par 1,618 ; c’est-à-dire un rectangle dont la proportion des deux côtés est le nombre d’or (du moins sa valeur approximative). Si nous le faisons correctement, nous devrions arriver à un résultat similaire au suivant :

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Soit un rectangle de longueur L, de largeur c. Ôtons lui un carré de côté C et on obtient :

nbor3

Le rectangle est dit de divine proportion si pour ce rectangle comme pour le rectangle qu’il reste une fois le carré ôté, le rapport entre longueur et largeur est le même. On démontre que ce rapport ne peut alors être que le nombre d’or! Autrement dit :

 

Un rectangle qui répondrait à ces caractéristiques serait un « rectangle d’or ». À première vue, il peut ressembler à un rectangle banal. Faisons cependant une petite expérience avec deux cartes de crédit quelconques. Si nous disposons la première à l’horizontale et la seconde à la verticale, et que nous les alignons selon leurs bases, nous aurons ceci :

En effet, si nous traçons la diagonale de la première carte et la prolongeons sur la deuxième, aussi incroyable que cela paraisse, elle aboutit pile au sommet opposé de cette dernière. Si nous répétons l’expérience avec deux livres de même format, en particulier des manuels ou des livres de poche, il est fort probable que nous obtenions le même résultat. Cette caractéristique est propre aux rectangles d’or de même taille.

Ainsi, de nombreux objets de forme rectangulaire qui font notre quotidien ont été façonnés en fonction de la divine proportion. Simple hasard ? Peut-être. À moins que les rectangles et les autres formes géométriques qui respectent cette proportion ne soient, pour une raison ou pour une autre, particulièrement harmonieux.

 

cartes_bancaires

Le nombre d’or, et la géométrie des polygones réguliers :

Le pentagone régulier et le pentagramme :

Dans un cercle, on peut inscrire deux pentagones réguliers : un pentagone régulier convexe (en rouge sur le dessin), et un pentagone régulier étoilé (en bleu).

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On peut montrer que le rapport du côté du pentagone étoilé au côté du pentagone convexe est égal au nombre d’or (AC / AB). Le pentagone régulier étoilé – qu’on appelle aussi pentagramme était le symbole des Pythagoriciens.

Le décagone régulier : Dans un cercle, on peut inscrire deux décagones réguliers, le décagone régulier convexe et le décagone régulier étoilé.

nbor7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapport du côté du décagone étoilé au rayon du cercle est égal au rapport du rayon du cercle par le côté du décagone convexe et est égal au nombre d’or!

Le nombre d’or véritable petit nirvana arithmétique aurait même été une voie privilégiée de communication avec l’au-delà… C’est vous dire !

 

Architecture et nombre doré :

L’encre a déjà abondamment coulé pour lever le voile sur le mystère que cache le sourire le plus célèbre de l’histoire de l’art. Mais on peut aussi envisager une solution géométrique à l’énigme. Voyons ce qui se passerait si nous superposions plusieurs rectangles d’or sur le visage de la belle Joconde :

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Léonard de Vinci avait-il en tête la proportion d’or quand il réalisa son œuvre maîtresse ? L’affirmer serait aventureux. Il serait moins risqué de se contenter de dire que le génie florentin accordait une grande importance à la relation entre l’esthétique et les mathématiques. Nous laisserons cette question de côté pour le moment. Mais précisons tout de même que Léonard réalisa les illustrations d’une œuvre au contenu purement mathématique, écrite par son ami Luca Pacioli et intitulée De divina proportione, c’est-à-dire La Divine Proportion.

Aujourd’hui, De Vinci n’est plus le seul artiste dont l’œuvre laisse entrevoir les diverses manifestations de la proportion d’or, que ce soit à travers le rapport des côtés d’un rectangle ou dans des formes géométriques plus complexes. De nombreux peintres ont fait appel après lui à ces fondements théoriques. En témoignent le pointilliste Georges Seurat ou le préraphaélite Edward Burne-Jones. Salvador Dali, quant à lui, réalisa avec sa toile La Cène une œuvre extraordinaire dans laquelle la divine proportion joue un grand rôle. Il ne s’agit pas seulement des dimensions de la toile, 268 par 167 cm, soit un rectangle d’or quasi parfait, mais surtout du monumental dodécaèdre qui préside la scène sacrée. Les solides réguliers qui comme celui-là s’inscrivent parfaitement dans une sphère sont intimement liés au nombre d’or, comme nous le verrons dans le troisième chapitre.

JPEG - 1.7 Mo
La toile Une baignade à Asnières (1884) de Georges Seurat est un rectangle d’or. Certains éléments qui le forment sont eux- mêmes insérés dans des rectangles d’or, comme le montrent les lignes blanches ci-dessus.

De nombreux tableaux seraient conçus selon les règles de la “divine proportion” (expression datant de 1509 avec Léonard de Vinci). Parmi les artistes de la Renaissance, Dürer est un de ceux qui connaissait les mathématiques. Il fit évoluer les proportions de “ses nus d’Adam et Eve” (figure ci-dessous), entre 1504 et 1507 après avoir été initié à la “secretissima scienta” par un maître dont il ne voulut pas révéler le nom mais qui fut sans doute le frère franciscain Luca Pacioli qui publia en 1494 la grande encyclopédie du XVe siècle.

Albrecht_Dürer,_Adam_and_Eve,_1504,_Engraving

Certains peintres comme Salvador Dali (Sacrement de la dernière cène), la composition se devait alors de mettre en valeur le sujet tout en produisant une circulation du regard afin de créer, au cœur de la toile, une harmonie absolue.
Dali a placé La Cène dans un dodécaèdre régulier, symbole de l’Univers pour Platon. Le dodécaèdre possède 12 faces et il y a 12 apôtres !
L’organisation du tableau suit la règle de proportion régie par le nombre d’or. Le point de fuite est situé à la tête du Christ.

salvador_dali-1fdfb

Cirque de Georges Seurat (Musée d’Orsay 1890-1891).
Les lignes horizontales tracées dans le tableau ont des grandeurs proportionnelles à Φ. Il en serait de même pour la loge délimitée par des lignes de couleur rouge vif formant un rectangle d’or. L’utilisation du nombre d’or dans ce tableau est opposée aux lignes courbes du personnage central du tableau ainsi qu’aux autres acrobates. Le nombre d’or met donc en valeurs les lignes géométriques des bancs.

Georges_Seurat_redimensionnee

On le retrouve également dans des rythmes musicaux
Aux mesures traditionnelles à deux ou à trois temps, 2/1 ou 3/2 s’ajoutent des éléments rythmiques de type 5/3 ou 8/5 (jazz ou musique orientale…)
Nous retrouvons la suite 1-1 2-3-5-8… de Fibonacci.

Ou dans des structures musicales
De nombreux exemples montrent que la proportion des diverses parties d’une œuvre est souvent réglée dans le rapport 8/5, voisin de ?. C’est le cas chez Haydn, Mozart ou Beethoven.

Voir même des rythmes poétiques
Dans la métrique des vers, soit par la césure, soit par l ’alternance de vers ayant un nombre de pieds différents, nous retrouvons les nombres de la suite traditionnelle de Fibonacci.

Que j ’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau, (8/5)
Charles Beaudelaire

Dans la nuit éternelle | emportés sans retour ( ou 1/1)
Ne pourrons nous jamais sur l ’océan des âges.
Jeter l ’ancre un seul jour (12/6=2/1)
Lamartine

Avant de me dire ta peine O poète ! En es-tu guéri ? La Muse (12/8 = 3/2)
Alfred de Musset

En réalité avec quelques approximations il est très facile d’approcher le nombre d’or.
Marguerite Neveux a démontré qu’en réalité les artistes divisaient leurs toiles en huitièmes, ce qui est très facile, puis en 4/8 et en 5/8 qui est très proche du nombre d’or à 7 millièmes près. Cette petite différence a suffi à créer bien des rêves dorés et à déchaîner des passions qui retombent actuellement (les fractales sont aujourd’hui plus motivantes).
Notons que le format le plus utilisé est le fameux 21/29.7… (A4, A3,…) seul format qui plié en deux garde la même forme : rapport .
Tout de même le nombre d’or a des propriétés mathématiques bien réelles et on le retrouve dès qu’on a une symétrie d’ordre 5.
Nous allons en découvrir quelques unes de ses propriétés mathématiques.

Intéressons-nous maintenant à la discipline reine des arts appliqués, l’architecture.

S’il ne fait aucun doute que la proportion d’or recèle une notion d’harmonie à caractère universel, nous devrions aussi la retrouver dans les tracés géométriques sous-jacents aux édifices et aux constructions. En est-il ainsi ? Une fois de plus, il est risqué de l’affirmer de façon catégorique. À la manière d’une dame coquette qui prendrait plaisir à voiler ses charmes, le ratio d’or laisse sentir sa présence dans beaucoup de grandes oeuvres architecturales de toutes les époques, comme la Grande pyramide ou quelques-unes des cathédrales françaises parmi les plus remarquables, sans pour autant se révéler totalement. Cependant, il est difficile de rester sceptique à l’examen détaillé de la façade de l’oeuvre majeure de Phidias : le Parthénon. On découvre avec ravissement que les divers éléments qui la composent se déclinent en autant de rectangles d’or.

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Le rapport de la hauteur de la pyramide de Khéops par sa demi-base est le nombre d’or.
Il semble que ceci soit vrai, en dehors de toute considération ésotérique.
D’après Hérodote, des prêtres égyptiens disaient que les dimensions de la grande pyramide avaient été choisies telles que : “Le carré construit sur la hauteur verticale égalait exactement la surface de chacune des faces triangulaires”

 

 

 

 

 

Au moyen âge, les bâtisseurs de cathédrales utilisaient une pige constituées de cinq tiges articulées, correspondant chacune à une unité de mesure de l’époque, relatives au corps humain : la paume, la palme, l’empan, le pied et la coudée.

Les longueurs au moyen âge étaient donnée en lignes, une ligne mesurant environ 2 mm (précisément 2,247 mm) : Pour passer d’une mesure à la suivante, on peut vérifier que l’on multiplie par le nombre d’or.

 

 

 

 

Le secret des roses :

Le choix du nombre d’or comme étalon de mesure d’un modèle idéal de beauté n’est pas uniquement un caprice humain. Même la nature semble conférer à ϕ un rôle spécial quand il s’agit de « choisir » une forme plutôt qu’une autre. Pour s’en apercevoir, il faut approfondir un peu plus les propriétés du nombre d’or. Prenons notre rectangle d’or comme point de départ. Retirons un carré dont le côté est égal à la largeur du rectangle. Nous obtiendrons ainsi un nouveau rectangle d’or, de taille plus petite. Si nous répétons le processus plusieurs fois, nous obtiendrons la figure suivante :

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Traçons maintenant des quarts de cercle dont le rayon est égal au côté de chacun des carrés de la figure précédente, avec pour centre leur sommet respectif. Nous aurons ainsi la figure suivante :

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Cette courbe sinueuse est une bonne approximation d’une courbe appelée spirale logarithmique. Loin d’être une simple curiosité mathématique, elle peut s’observer très facilement dans notre environnement, (même si toutes ne sont pas reliées au nombre d’or) de la coquille d’un escargot…

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… à la forme des bras des galaxies…

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φ et Fibonacci:

Fibonacci est né à Pise en 1175. Son vrai nom est Léonardo Pisano, ou Léonard de Pise. Fibonacci est un surnom qui vient de filius Bonacci qui veut dire fils de Bonacci.
(Bonacci signifie chanceux , de bonne fortune). c’est l’un des plus grands mathématiciens du moyen-âge.
C’est lui qui a introduit la numération décimale et l’écriture arabe des chiffres en Occident, en ramenant dans son livre Liber abaci, les connaissances acquises en Algérie où travaillait son père.

 

Il existe la formule ci-dessous qui donne directement le nième nombre de Fibonacci sans connaître les précédents. On y voit clairement apparaître le nombre d’or.

 

 

 

Remarque : le terme est plus petit que 1 donc la partie de la formule tend vers zéro quand n devient grand (faites l’expérience en augmentant n au fur et à mesure).
Par conséquent, pour connaître Fn quand n est grand, il suffit de prendre la partie entière de .

Les nombres de Fibonacci forment une suite de nombres que l’on appelle suite de Fibonacci. Un nombre de la suite s’obtient en ajoutant les deux nombres précédents de la suite :

si on note Fn le nème nombre de Fibonacci, Fn = Fn – 1 + Fn – 2
Voila les premiers nombres de la suite : F1 = 1 ; F2 = 1 ; F3 = 2 ; F4 = 3 ; …etc

indice n 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Fn 1 1 2 3 5 8 13 21 34 55 89

Soit : 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377, 610, 987, 1597, 2584, 4181, 6765, 10946, 17711, 28657, 46368, 75025, 121393, 196418, 317811, 514229, 832040, 1346269, 2178309, 3524578, 5702887, 9227465, 14930352, 24157817, 39088169, …

Le nom de “suite de Fibonacci” a été donné par l’arithméticien français Edouard Lucas en 1817, alors qu’il étudiait ce qu’on appelle aujourd’hui les “suites de Fibonacci généralisées” obtenues en changeant les deux premiers termes de la suite de Fibonacci et qui suivent le même procédé de construction.
La plus simple d’entre elles, dont les deux premiers termes sont 1 et 3, s’appelle aujourd’hui … la suite de … Lucas ! (Elle commence par 1, 3, 4, 7, 11, 18, 29, 47, …). Les suites de Fibonacci et de Lucas sont très liées.

Quotient de 2 nombres successifs de Fibonacci:
Si on calcule les valeurs des quotients ; ; ; … ; ; … c’est-à-dire les quotients , on remarque que l’on obtient des nombres de plus en plus proches les uns des autres (sans jamais être égaux !) et se rapprochent du nombre d’or.

On peut démontrer que la suite des quotients a pour limite le nombre d’or lorsque n tend vers l’infini. En effet, la suite de Fibonacci définie par    F1 = 1 ; F2 = 1 et Fn = Fn – 1 + Fn – 2  pour n > 2, est une suite récurrente linéaire d’ordre 2.

Si on pose Fn = a * qn , avec q>0 et a non-nul, et que l’on reporte dans dans l’égalité Fn = Fn – 1 + Fn – 2 , on obtient a*qn = a*qn-1 + a*qn-2 soit q2 = q + 1 en simplifiant par a*qn-2 et q est la solution positive de l’équation , c’est-à dire le nombre d’or .

A partir de l’équation , on peut obtenir facilement .
En reportant l’expression de x obtenue à la place du x au dénominateur, on obtient le développement en fraction continue du nombre d’or. On le note couramment [ 1 , 1 , 1 , 1 , 1 , 1 , … ] sous sa forme normalisée (les dénominateurs ne doivent être que des 1)

Ces fractions s’approchent de plus en plus du nombre d’or :
= 2 ; = 3/2 ; = 5/3 ; = 8/5 ; = 13/8 …
Que voit-on apparaître ? … Fibonacci !
Les fractions obtenues sont les rapports de nombres de deux Fibonacci successifs
( Il n’y a rien de mystérieux la-dedans en réalité. Essayez de calculer plus de fractions et vous trouverez vite un raccourci qui vous expliquera tout ! )

Carré du nombre d’or
Pour calculer le carré du nombre d’or, il suffit de lui ajouter 1 :

Inverse du nombre d’or
Pour calculer l’inverse du nombre d’or, il suffit de lui retrancher 1 :
Puissances du nombre d’or





Que voit-on encore apparaître ? Eh oui ! Fibonacci ! Les puissances du nombre d’or s’expriment en fonction de φ et de 1 et les coefficients ne sont autres que les nombres de Fibonacci.

Il existe même une formule qui relie π et le nombre φ :

Le nombre d’or apparaît traditionnellement en phyllotaxie, cette branche de la botanique qui étudie l’ordre dans lequel sont implantées les feuilles le long de la tige d’une plante, ou l’agencement des fleurons et écailles dans diverses fleurs et fruits (pomme de pin, tournesol, ananas, choux—fleur, …). Certains auteurs font remonter l’étude théorique de ces arrangements à un article de 1837 des frères Bravais, l’un étant physicien et l’autre botaniste.

Plus récemment, on trouve aussi le nombre d’or jouant un rôle crucial dans des travaux de physiciens concernant les quasicristaux.

Le nombre d’or a également nourri les analyses, l’imagination et les fantasmes de divers auteurs intéressés par (l’histoire de) l’art, l’architecture, ou les proportions du corps humain (statues et individus vivants). Il en est résulté une immense littérature foisonnante à profusion. Ce qu’on y trouve va de la remarque éclairante aux rumeurs aussi coriaces que fantaisistes ; il semble par exemple que toute « découverte » du nombre d’or dans les proportions du Parthénon nécessite un aveuglement intellectuel, voire une tromperie militante.

Il y a une notion de nombre d’or en astronomie, qui n’a « rien à voir » avec la notion discutée ci—dessus. Chaque année possède son nombre d’or, qui est un entier entre 1 et 19, et qui permet de situer les mois lunaires par rapport au calendrier usuel. Il se trouve qu’une période de 19 années est en bonne approximation un nombre entier de mois lunaires, plus précisément 19 années =235 mois lunaires = 6940 jours selon le calendrier du cylce métonique introduit à Athènes en 432 avant J.-C. et connu en Babylonie vers 490 avant J.-C. Le nombre d’or de l’année 2008 était 14, et celui de 2009 est 15.

L’Institut Henri Poincaré et Images des Mathématiques ont uni leurs efforts pour superviser la réédition de la collection “Le monde est mathématique”, publiée par RBA en partenariat avec Le Monde. En 40 ouvrages, cette collection de qualité, issue d’un projet collectif de mathématiciens espagnols, vise à présenter, à travers une grande variété de points de vue, de multiples facettes des sciences mathématiques, sous un aspect historique, humain, social, technique, culturel …

Reprise et améliorée au niveau de la forme, cette nouvelle édition a été entièrement lue et corrigée par l’équipe d’Images des Mathématiques ; des préfaces et listes bibliographiques ont été ajoutées. Le Monde consacre un cahier spécial au lancement de cette collection présentée par Cédric Villani, qui en a écrit la préface générale.

Chaque semaine, à l’occasion de la sortie d’un nouveau numéro de la série, un extrait sélectionné sera présenté sur Images des Mathématiques. Il sera également accompagné du sommaire du livre et d’une invitation à prolonger votre lecture.

 

Diplômé en mathématiques? Pourquoi faire ?

papa

Il y a bien longtemps maintenant, je me souviens avoir posé une question à mon père concernant le véritable travail d’un mathématicien. Je souhaitais savoir le pourquoi de ses recherches, ses objectifs, la façon dont il travaillait et ce pourquoi il travaillait. Je le voyais souvent plongé dans des livres, un crayon de bois à la main et griffonnant des équations au travers de feuilles de papier vierges, puis les rouler en boules pour finir dans la poubelle.

Cette question, nombre de ses étudiants la lui posaient en début de leur cursus de formation. Pour leur répondre, il avait coutume d’utiliser une parabole, celle de “l’aspirateur” comme il me disait en souriant. C’était ce qu’il avait trouvé de mieux, de plus réaliste et de plus concret à leur raconter. Il ne voulait pas les décevoir, ou briser leur motivation. Il voulait simplement qu’ils prennent acte du fait que la recherche en mathématiques est quelque chose de flou, d’incertain mais toujours captivant.

Voici en quelques mots ce qu’il racontait à ses étudiants :

Beaucoup d’étudiant fraîchement diplômés en mathématiques cherchent à comprendre le monde qui nous entoure au travers de livres ou d’articles qu’ils glanent au grès de leurs lectures. La difficulté est que la lecture des mathématiques ne ressemble pas à celle d’un roman policier, ni d’un livre d’histoire pas plus qu’un article de votre quotidien préféré.

Le principal écueil est que, lorsqu’on arrive à la frontière des mathématiques, les mots pour décrire les concepts n’ont pas encore de réelle existence. Communiquer ces idées c’est un peu comme essayer d’expliquer un aspirateur (c’est un exemple comme un autre) à quelqu’un qui n’en a jamais vu et que, de surcroit, vous ne deviez utiliser pour le décrire que 15 mots comportant 9 lettres au maximum et en utilisant obligatoirement les mots : Outil, poussière, marcher, maison. Après réflexion, on pourrait alors dire : “C’est un outil qui aspire la poussière pour que vous marchiez dans une maison propre”. C’est probablement mieux que rien mais cela ne dit pas tout ce que l’on souhaiterait savoir sur ce qu’est réellement un aspirateur. Peut-on l’utiliser pour nettoyer des étagères ? Pour nettoyer un chat ? Pour nettoyer à l’extérieur des maisons, dans la rue par exemple ? etc.

Les auteurs d’articles ou de livres tentent d’expliquer ou de décrire ce qu’ils ont compris au regard des restrictions parfois imposées, mais si l’on doit travailler avec des aspirateurs, par exemple, il est nécessaire d’en savoir beaucoup plus. Heureusement, les mathématiques sont un outil incroyablement puissant qui permet de surmonter l’obstacle. Lorsque nous arrivons avec des concepts, nous venons aussi avec des notations précises, symboliques, accompagnées de règles d’utilisation logiques afin de les manipuler correctement. un peu comme si on nous remettait les spécifications techniques et les schémas de construction à partir des pièces détachées du fameux aspirateur. Ainsi, en théorie, nous pouvons connaître 100% des fonctionnalités de l’appareil et ce, sans ambiguïté.

L’inconvénient, c’est qu’à la première lecture des notices, nous n’avons encore aucune idée de la destination de ces pièces détachées, ni pour quelles raisons obscures elles sont disposées de telle et telle façon. Notre seule référence étant la phrase sibylline : “C’est un outil qui aspire la poussière pour que vous marchiez dans une maison propre”.

Admettons que maintenant vous soyez un mathématicien diplômé. Votre superviseur, votre directeur de thèse, appelons-le comme vous voulez, vous remet un article dont le titre est :”Un outil qui aspire la poussière”. L’introduction du texte vous précise : “C’est un outil qui aspire la poussière et qu’on utilise pour que vous puissiez marcher dans une maison propre et bien rangée”. Il vous remet également tout un tas d’autres documents assez vagues : Des schémas techniques, des descriptions et quelques articles de référence comme : “Comment utiliser un flux d’air pour aspirer la poussière”, “comment utiliser une bobine de fil électrique pour faire tourner un ventilateur” etc. Qu’allez vous faire de toutes ces précieuses informations ?

En réalité, vous allez vous installer confortablement à votre bureau et vous allez commencer à réfléchir. Mais ce n’est pas simple ! Il faut rester concentré car, en relisant le titre simplement et l’introduction, on vous donne une idée globale mais rien sur les détails importants. Vous vous penchez ensuite sur les schémas techniques qui dansent devant vos yeux. Vous les étudiez, schéma par schéma, morceaux par morceaux, en changeant vos différents angles de vue, en faisant tourner les feuilles de façon à voir les pièces sous des angles différents. Vous allez refaire la plupart des calculs afin de vérifier que vous avez compris le fonctionnement. Parfois vos calculs vous orientent vers des résultats stupides, alors vous cherchez votre erreur. Vous vous replongez dans les manuels techniques et vous découvrez une faute de frappe dans le texte qui vient bloquer votre avancée. Au bout d’un certain temps, les choses s’éclaircissent et vous comprenez enfin ce qu’est un aspirateur. En fait vous en savez beaucoup plus, vous êtes devenu un expert “es aspirateur” ou plus précisément sur un type particulier d’aspirateur, celui que vous avez étudié. Vous connaissez tous les détails sur son fonctionnement et pourriez presque en monter un les yeux fermés. Vous êtes fier de vous ! C’est alors que votre directeur de thèse vous remet sur terre en vous indiquant que votre travail est bon, mais qu’en réalité il existe une grande variété d’aspirateurs. Que d’autres chercheurs, en plus de leur travail sur ces outils ont développé des projets connexes et totalement différents sur les systèmes de conditionnement d’air. Mais vous ne vous laissez pas abattre, vous êtes heureux et vous sentez même l’égal de votre superviseur jusqu’à ce qu’il vous noircisse votre bonheur. A votre tour d’écrire une thèse au regard des travaux que vous avez réalisé !

Alors commence pour vous une nouvelle réflexion. Que peut-on réellement faire avec un aspirateur ?

  • Peut-on l’utiliser pour nettoyer des étagères ?
    • Ce serait utile, mais lorsque vous faites des recherches sur Google, vous vous rendez compte qu’un autre chercheur y a déjà pensé il y a 10 ans. Bon ! Soit ! Idée suivante.
  • Peut-on utiliser un aspirateur pour nettoyer les chats ?
    • Ce serait probablement super utile ! Mais hélas, un peu de recherche dans la littérature révèle qu’un chercheur s’était déjà aventuré dans cette voie sans résultats très probants. Mais vous êtes confiant et persévérant. Vous décidez qu’avec vos nouvelles connaissances vous devriez pouvoir régler les problèmes soulevés par le précédent observateur afin d’obtenir un superbe “aspirateur à chats”. Au bout de plusieurs mois de travail, hélas, vous ne parvenez pas à solutionner le problème, les chats étant de petits animaux sympathiques mais terriblement imprévisibles et dont les griffes et dents sont des armes redoutables surtout à l’approche d’un aspirateur.

Après quelques recherches sur les “rallonges électriques”, vous pensez qu’un aspirateur pourrait :

  • Servir à nettoyer l’extérieur des maisons, la rue, les jardins etc.
    • Vos recherches dans la littérature vous rassurent, jamais personne n’y avait pensé avant vous ! Vous êtes fier et rendez compte à votre superviseur. ce dernier ne tardera pas à vous signaler que des calculs d’enveloppe budgétaire vous interdise de mener votre projet au bout et qu’en réalité, passer l’aspirateur à l’extérieur est peu susceptible d’être réellement utile. En effet, il semble trop petit pour être employé dehors et nous savons qu’il existe déjà des outils servant à nettoyer les rues et autres jardins publics…

Il vous aura fallu plusieurs années, mais votre thèse est enfin terminée. En réalité, vous y expliquez que si l’on positionne un aspirateur à l’envers, et que l’on immerge l’extrémité supérieure dans l’eau on est capable de produire… des bulles ! Le jour de votre soutenance de thèse, votre jury  doute un peu de l’utilité de votre découverte, mais comme les bulles sont jolies, ils pensent que dans l’avenir cela pourrait avoir une utilité. Vous voilà détenteur d’un doctorat en mathématiques appliquées !

Une centaine d’année plus tard, votre idée, associée à d’autres travaux tout aussi merveilleux, conduit au développement de pompes à air pour les aquariums. Un outil essentiel pour l’étude et le développement de la recherche sur les habitats artificiels des poissons rouges.”

Lorsque j’ai fait relire ce texte à une amie mathématicienne, Sylvia Serfaty, professeur de mathématiques à l’université Pierre et Marie Curie et lauréate du pris Henri Poincaré (récompense décernée tous les trois ans dans le domaine de la physique mathématique),

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elle a souris en me disant :”Ton papa avait tellement raison ! Sais-tu que je travaille sur une équation de physique qui date de 1901 et qui concerne la supra conductivité. Je cherche à démontrer, à obtenir des preuves (sans faire les approximations chères aux physiciens ni prendre leurs raccourcis). Ainsi, je tente de donner des détails plus précis, je cherche à développer des techniques différentes de celles utilisés par les physiciens, à développer des outils mathématiques qui s’appuient sur l’équation elle-même et pas forcément sur le phénomène physique observé et qui ensuite peuvent resservir sur d’autres modèles, d’autres équations dans d’autres domaines que la physique, la géométrie par exemple etc. Je cherche en réalité à faire des liens entre des choses qui semblent ne pas forcément en avoir. Tout comme cet aspirateur qui fini par devenir une pompe à air dont vont se servir les biologistes marin. En mathématiques, on définit rarement son premier sujet de recherche. C’est en effet votre directeur de thèse qui va vous orienter vers les pistes possibles. Aujourd’hui encore, pour mes recherches, je découvre de nouveaux outils, j’apprends des choses nouvelles. C’est donc un travail excitant ouvert vers l’extérieur car on rencontre des collègues nouveaux à qui on va apprendre plein de choses et qui vont nous apprendre plein de choses également. Je comprends qu’on puisse être un peu effarouché par le coté abstrait des mathématiques, mais il y a encore tellement de coins à explorer, on est encore loin de tout savoir dans ce domaine. Le langage est abstrait mais les objets qui sont décrits par ce langage sont assez concrets et accessibles à tout le monde. Il y a de vrais concepts, de vraies idées une certaine beauté dans les mathématiques d’aujourd’hui. L’intérêt qu’on peut avoir dans la matière n’est pas que purement calculatoire ce serait trop rébarbatif.

Elle n’est pas belle la science ?